Extrait du journal

Le suffrage universel a ces jours-ci des défenseurs zélés. Parmi eux, il en est de suspects. Ils rappellent les naturels d’une tribu d’anthropopha ges, devant lesquels on vantait les mérites d’un missionnaire : « En effet, disaient-fls, il était très bon, nous en avons mangé. » Les élus qui ont mangé du suffrage universel, tel que nous le pratiquons, ont aussi la reconnaissance du ventre. Ils veulent s’en nourrir jusqu’à la fin de leurs jours.. En outre, c’est un sujet de tout repos pour les orateurs et surtout de tout bénéfice. Le tribun, qui, d’une voix puissante et d’un geste large, défend les conquêtes électorales de la démocratie, songe d’abord à luimême et puise dans ces pensées des Accents particulièrement émouvants. On l’a vu à propos de ces querelles passionnées sur l’unique ou le dou ble tour. Mais pour nous convaincre réelle ment, il faudrait que les champions du sacro-saint suffrage universel ne parlassent pas d’un suffrage qui, jusqu’à présent, n'est universel que de nom. C’est ce qu’ont judicieusement re marqué les auteurs d'une proposition de loi déposée le 10 décembre, à :a Chambre, et qui tend à obliger les électeurs inscrits à participer aux opérations électorales, sous peine de déchéances civiques. Nous faisions remarquer, hier, que beaucoup de députés indignés à la pensée qu’on pourrait être élu ^ au premier tour avec 40 °£ des voix l’ont été au second tour, avec moins que vêla par le jeu des désistements et des candidatures multiples. Si l’on considère, au surplus, le pomhre des abstentions, on constate que dans beaucoup de circonscrip tions certains élus ne représentent pas iîO ou 25 % des électeurs inscrits. Est-ce là un véritable suffrage uni verscl? Des propositions innombrables pour que le vote soit obligatoire ont été déposées. Aucune n a abouti, et pour cause. Ceux qui profitent des abstentions ne demandent qu’à lais ser les électeurs paresseux à leur sommeil. Ces derniers ne sont même pas dignes de ces Athéniens qui allaient voter sur l’agora et que des...