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Le Petit Marseillais, 19 mars 1911

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Le Petit Marseillais
19 mars 1911


Extrait du journal

« Le Tribun » et la Famille La nouvelle pièce de Bourget renverse loutes les notions que nous pouvions avoir sur la famille. En voulant la défendre contre l’indivi dualisme, Bourget n’a pas vu qu’il ne faisait que remplacer un égoïsme par un autre et qu'il démolissait toutes les vertus antiques. Bourget aurait blâmé Brutus sacrifiant son fils à la patrie. Que la famille soit le point social sur lequel doit tourner la ronde humaine, que la disparition du sentiment familial soit un danger, c’est l’évidence. Mais qu'il faille tout lui sacrifier, même la vertu, même le devoir, même l’honneur, c'est ce qu'on ne nous avait pas appris dans notre jeune âge, alors qu’on vantait devant nous la noblesse des héros pro nonçant en personne la condamnation des êtres les plus chers, parce qu’ils avaient failli. Le Tribun est une oeuvre de parti, et, comme il arrive à toutes les œuvres de ce genre, elle dépasse le but. Je comprends que, devant le public avachi de notre dé cadence, la scène où Portai hésite et ne li vre pas son fils ait admirablement réussi; mais ce succès même montre la pente que nous avons descendue. Autrefois nos applaudissements au raient été à l’homme qui,après un combat terrible, fait fléchir ses affections devant un devoir plus haut; aujourd’hui nous joi gnons nos bravos à ceux des mères, pour qui le salut de l’enfant est la suprême loi et qui n’ont rarement rien de commun avec les femmes Spartiates. La solidarité des familles est capitale ; mais il ner faut uas l’exagérer. Nous mou rons de la méconnaître, et il était bon de le dire. Mais l’exemple donné n’est pas heureux. Il fait se retourner la thèse contre elle-même ; car on pourrait dire que si elle a pour effet de laisser impunis des actes comme celui que commet le fils de Portai, elle est plutôt néfaste. Sans compter que c’est toujours un mauvais procédé de discussion que de ré duire une thèse générale en argument ad hominem, et.de dire aux gens qu’on veut convaincre : « Si tel événement vous arrivait, que feriez-vous ?» — Peutêtre donnerais-je un démenti à mes opi nions ; mais cela ne voudrait pas dire qu’elles soient mauvaises. » Comme la Barricade, le Tribun ne fait donc qu’effleurer son sujet. La famille n’en sort pas glorifiée.. Et cependant l’in tention était bonne., Le théâtre de Bourget est, comme l’en fer, pavé de bonnes intentions. Celles-ci, la plupart du temps, se réduisent à des anecdotes qui, si brillamment contées qu’elles soient, ne prouvent absolument rien. Ce n’est pas encore cette pièce-là qui rendra à la famille l’auréole que nous nous efforçons de lui arracher tous les jours. Le père de famille dépouillé du droit de faire élever ses enfants comme il lui convient est un signe de cette marche vers le progrès, qui consistera, sous pré texte du droit de l’enfant, à arracher ce lui-ci à ses parents pour en faire un nu méro, inscrit dans la vaste agglomération des serviteurs de l’Etat., En sera-il plus indépendant ? Nous allons vers ce collectivisme qui s’appelle l’unité morale, l’unité immorale plutôt ; or, depuis cette mainmise de l’Etat sur les jeunes générations, celles-ci ont achevé de perdre tout ce qui restait de sentiments familiaux dans un peuple sans croyances. La'famille tend à dispa raître, pour faire place à un individua lisme féroce ; tout ce qu’on pourra dire n’y changera rien, et la société future devra chercher une autre base pour sa constitution. Cette base quelle sera-t-elle ? L’Etat sans doute. Et nous reviendrons ainsi vers ces groupements des premiers âges de l’humanité, qui ont été le plus bel échantillon du despotisme sur la terre. C’était bien la peine de faire autant de chemin pour retourner à son point de départ. Peut-être est-ce une loi ! Peut-être fautil que les peuples, après avoir monté, des cendent ; et le cycle qu’ils parcourent n’est, à vrai dire, qu’un cercle vicieux. On croit avancer, on recule. Encore un peu de temps, et nous reconnaîtrons la place où nous avons passé. La famille, comme de raison, n’est pas restée étrangère à son effondrement. On peut même dire qu’elle y a pris et qu’elle y prend encore une part active. Si le respect des parents à disparu, les parents ne l’ont pas retenu. Les divorces sont ve nus, qui ont tout mêlé,^ tout confondu. Oui de nous ne connaît des tas de fa milles où l’on ne sait plus de quel nom appeler celui qu’on rencontre ? Est-il on cle père ou parrain ? On l’ignore. Rail leurs tous brouillés, ainsi qu’il convient à, des hommes libres....

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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