Extrait du journal
Belgrade et Semlin sont en guerre. Combes et Briand échangent des bou lets ; et, bien que le duel ne soit plus interdit en France, la rencontre a lieu à l'étranger. Cause : la séparation. Cette fameuse séparation, qui n’a rien séparé du tout, smon les meilleurs amis. Cependant le vieux Danube, plus bleu que jamais,se lève tout, comme au temps de Victor Hugo, et adÿre en ces termes : « Quand aurez-vous fini ? Quand n'en tendrai-je plus le bruit de vos combats ? L'un de vous a raison et l’autre n'a pas tort. L’un dit, en effet : « Croyez-moi, je « suis de la partie,et je vous affirme que « vous n’avez fait que de la bouillie « pour les chats. » L’autre réplique : « Vous auriez dû le dire plus tôt. Pour« quoi attendez-vous pour le dire que « tout soit terminé ? » Vous pouvez vous battre longtemps sur ce terrain, et avec ces armes-la. Les récriminations n'ont jamais servi à rien. A votre place, je tâcherais de savoir ce qu’il y a à faire i maintenant. « . Le bon vieux Danube parle d’or. Mais 1 il est ancien jeu. Si son état de grand i fleuve historique lui avait donné les loi- ! sirs nécessaires pour suivre notre polit!- ! que, il serait convaincu que le dernier des. soucis de ceux qui la dirigent, c'est i de savoir où elle va. Les ministres en | place sont pareils aux voyageurs qui traversent un bois, la nuit. Ils sont beau- j coup moins préoccupés du chemin qu'ils j suivent que des embuscades possibles, j Pendant qu’ils guettent la lisière où 1 s’agitent des ombres, leur cheval les j porte cm il veut. Quant aux ombres, il ; va de soi que si elles connaissaient la j bonne route, elles se garderaient de Vin- j cliquer. A quelqu'un qui vous affirme possé- ! der un secret pour vous tirer d’un mau- j vais pas, on ne demande pas son secret, j Il vous répondrait : « Employez-moi, et j vous verrez. » C'est exactement ce que vous répon- j drait Combes, si vous le poussiez dans ses derniers retranchements. Et cette proposition ne laisserait pas que d’être tentante, si Von ne se souvenait que celui qui prétend vous guérir a été le principal artisan de la maladie : en sorte que nous nous trouvons dans la situa tion d’un pauvre diable qui voit bien que son médecin actuel ne lui donne aucun soulagement et se contente de le réconforter, quand il souffre trop, en lui disant : « N’ayez pas peur, ça va très bien, ça va de mieux en mieux » ; mais qui pourtant hésite à en prendre un autre, surtout lorsqu'il pense que c’est à cet autre qu’il doit sa première colique. « Auteur de tous mes maux, crois-tu qu’il les ignoré ? » dit la vénérable Anci romaque. Il est certain qu’avoir causé un mai est un titre pour le réparer. Mais le réparerait-il ? Et s’il allait l’aggraver ? Le malade est effroyablement perplexe. Il se trouve entre deux docteurs, dont l’un lui formule qu’il se porte le mieux du monde et qu’il a tort de se plaindre. « Pourtant, cela ne va pas très bien », murmure le fiévreux... « — Parlez plus congrûment, fait le médecin. Dites : Il me semble que cela ne va pas très bien. Mais c’est une erreur, vous vous portez admirablement. » « — Point, lui insi nue Vautre ; ça ne va pas du tout. C’est la faute du traitement. Prenez-moi, je vous donnerai de magnifiques ordon nances, qui vous guériront tout à fait. » Là-dessus, comme dans Molière, les deux savants se prennent aux cheveux. « Je crois, pense l’alité, que j’aurais mieux fait de ne pas me donner cette maladie. » Ce ne sont pourtant pas les consulta- | tions qui lui manquent. Elles dépassent i même souvent les limites de la plus haute bouffonnerie. Parmi les accidents fâcheux il y a eu, dernièrement, la crise de la déclaration. On sait en quoi elle ! consiste. En voulant soumettre l’Eglise au droit i commun, on avait imaginé de lui appli- ! quer la loi sur les réunions publiques, j loi qui exige une déclaration. L’Eglise 1 ayant déclaré qu’elle ne déclarerait rien, i quelqu’un, pour tout arranger, a pro- j posé de supprimer cette déclaration i pour tout le monde. Là-dessus notre ami j Allard, qu’on ne prend jamais sans : gaieté, a demandé qu’on supprimât cette déclaration pour tout le monde, excepté pour l’Eglise, qui était seule à exiger cette suppression. Tels les bons parents, qui disent à un enfant : « C’est toi qui n’aimes pas la soupe. Eh bien I tu seras le seul qui en mangera. » Cette façon de gouverner n’engendre pas la mélancolie. J’espère qu’elle cons tituera un précédent, et que lorsque, par exemple, des contribuables solliciteront un dégrèvement, on s’empressera de l’accorder à ceux qui ne Vont pas demandé. Il est d’autant plus indispensable de conserver pour les cérémonies religieu ses cette formalité de la déclaration que le contraire nous priverait de très curieux incidents, tels que le cas de ce gendarme à qui ses supérieurs ont inter dit de faire enterrer son enfant à...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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