Extrait du journal

ils doivent donc appeler l'attention du gou vernement sur cette question de la taxe officielle qui, loin d'avoir une influence bienfaisante pour le consommateur, peut à un moment donné Je laisser sans pain. Or, il est bien difficile qu’une population qui se voit tout à coup menacée d’être privée (lu pain quotidieiugarde son calme, son sang-froid, et ne se livre pas à quel que manifestation. Cependant les municipalités de SaintOuen et de Saint-Denis n’avaient fait qu'u ser du droit que leur confère la loi de 1791 en taxant officiellement le pain à un prix qu’elle croyait équitable pour la boulan gerie et pour le public. Malheureusement, certains boulangers, trouvant que l’appli cation de cette taxe n’était pas compatible avec les frais qu’ils étaient obligés de sup porter, ont voulu diminuer les salaires de leurs ouvriers, mais aussitôt ceux-ci se sont mis en grève. Est-ce donc que les municipalités de Saint-Denis et de Saint-Ouen n’avaient pas tenu un compte suffisant de l’augmenta tion des prix des farines ou qu’elles avaient mal calculé les différents éléments ser vant à déterminer la taxe du pain ? — Pas le moins du monde. Théoriquement, elles avaient établi leur calcul sur des bases équitables, ce qui n’empêche pas que dans la pratique leur taxe était ruineuse pour la boulangerie. La raison de cet écart entre le prix théorique du pain et le prix réel auquel il doit être vendu par chaque boulanger pour lui laisser un modeste bénéfice, est fort simple ; nous avons déjà eu occasion de l’exposer ici naguère, elle est la même à Saint-Denis ou à Saint-Ouen qu’à Mar seille : c’est que tous les boulangers n’ayant pas les mêmes frais, une taxe uni que s’appliquant à tous sans distinction, pourra etre avantageuse pour les uns et désastreuse pour les autres. Ainsi, tel boulanger qui fait un plus grand nombre de fournées qu’un autre, supportera proportionnellement moins de frais généraux, tout en ayant payé sa ma tière première le même prix ; tel autre qui aura une clientèle très éparpillée aura plus de frais pour faire porter le pain à domicile que celui dont la clientèle est groupée autour de son magasin; ce der nier a même pour ce service une voiture, un cheval et un garçon spécial. Un élé ment dont une municipalité établissant la taxe ne saurait tenir compte, et qui a ceÊendant une grande importance pour le oulanger, est le crédit fait aux clients; certains boulangers n’éprouveront qu’une perte insignifiante sur le découvert qu’ils ont toute l’année, suivant le quartier et la clientèle ; d’autres, au contraire, éprou vent de ce chef une perte très sensible; et cependant il n’est aucun boulanger qui ne soit obligé de faire un certain crédit s il veut conserver ou étendre sa clientèle. Enfin, on conçoit très bien que, dans une grande ville surtout, les frais généraux provenant du loyer, des assurances, des impositions, du gaz, etc., peuvent varier considérablement d un quartier à l’autre et qu'il n'est même pas deux boulangers travaillant identiquement dans les mêmes conditions. 11 est dune impossible à une municipalité d’établir une taxe officielle qui soit équi table d'une façon absolue ; elle sera tou jours légère pour les uns, trop lourde pour les autres; par suite, à un moment donné, elle pourra créer une situation fort grave pour tout le monde, embar rassante pour l'autorité. Si, en outre, on tient compte combien il est illogique, à notre époque, qu’une in dustrie toute seule soit privée du bénélice delà liberté commerciale et soit soumise...