Extrait du journal

rée répond une supériorité d’esprit qui assure à M. Barthou l’avantage sur la plupart de ses contemporains poli tiques. Dans toute assemblée par lementaire, il serait en vue ; dans celle-ci il prend un relief extraordi naire, et la violence mémo de ses enne mis le proclame. Avec cela, le plus aimable des députés, le plus courtois des hommes et le moins capitulant en politique. La lâcheté a souvent provoqué son mépris ; elle n’a jamais affaibli son courage. Alors que tout le monde se taisait ou pliait autour de lui, il a porté les premiers coups au ministère Bourgeois et aucune défec tion n’a paralysé son énergie. Il a réussi à ranimer ses amis trop long temps abattus et le désert où résonnait sa voix a fini par se peupler. Si nous sommes destinés à périr faute d’hommes, nul ne contestera que M. Poincaré est un de ceux qui feront bonne figure dans cette irrévocable pénurie.Très ferme et même très crâne, d’esprit alerte et cultivé, très fin et très franc, il ignore ou méprise les strata gèmes dos rhétoriciens, les diversions et les échappatoires.Précis et nerveux, il met dans chacune de ses phrases l’accent qui leur donne l’autorité et sa bonne humeur ironique se révèle de temps à autre par un mot spirituel lancé comme une flèche à travers l’outre des phraséologies radicales et socialistes. Il a prononcé, pendant les dernières vacances, trois ou quatre discours qui ont été de véritables régals pour les délicats et les lettrés. Le bruit des applaudissements retentissait encore quand on apprit, avec une surprise où se mêlait beaucoup de regret, que ce jeune vainqueur voulait sortir de la bataille et s’ensevelir de ses propres mains dans son triomphe. Le grand succès qu’il vient d’obtenir à la Cham bre, les acclamations du parti républi cain qui ont salué sa parole courageuse et droite lui feront certainement com prendre que l’heure de la retraite n’a pas encore sonné pour lui. M. Ribot donne une idée complète de ce que fut l’orateur parlementaire lors que le respect de soi, la supériorité de la raison, le souci de la forme, l’art exquis et si français de faire entendre tout ce qu’on ne veut pas dire ne cédaient point encore le pas à la provo cante grossièreté qui sera l’éloquence de l’avenir. La politesse et la fermeté se combinent en lui sans jamais se faire tort ; mais son ôriginalité propre est une vigueur concentrée qui porte toujours son effort au point juste, une logique serrée qui sauve la faiblesse de la voix parla force du raisonnement, une argumentation un peu didactique et raide dont les caractères essentiels sont la simplicité, la sobriété et le nerf....