Extrait du journal
une trêve tacite entre les belligérants. On n’avait même pas la chance d’être éclairé par quelque bombe soit du grand redan, soit des batteries blanches. A peine si lç bastion au Mat en envoyait de temps en temps dans les tranchées anglaises; mais c'était trop loin. 11 se dirigeait donc au jugé vers les tranchées russes invisibles par cette obs curité, car on y observait plus strictement que chez nous la défense de fumer. Il marchait depuis quelque temps, quand il entendit parallèlement à lui, comme un clapoltement étrange. — Bah ! se dit-il, c’est mon propre bruit dans celle boue que j’entends. Au bout d’un instant : — C’est étonnant, pensa-t-il : mon écho n'a pas l’air d’être d’accord avec moi, Et il s’arrêta. Le bruit continua. — Décidément il y a un rôdeur par ici. Bah! quelque juif polonais qui cherche des morts à dépouiller. Et il reprit sa route. La pluie cessait presque et le vent se levait soudant ferme. Déjà certains nuages moins épais se donnaient la chasse et. en passant devant la lune, tamisaient sur la plaine une sorte de lumière grisâtre qui disparaissait bien vite. Il fallait un œil bien exercé pour profiter de cette sorte de lueur fugitive et irrégulièrement in termittente et pour y voir goutte. Gentil n’avait pas volé le nom de chacal, qu’on donne aux zouaves; il en avait pres que l’œil qui voit dans la nuit. Il saisit donc l’instant et porta son re gard de côté... Non, il n’y put croire tout d’abord. Il attendit une deuxième occasion. 11 n’y avait pas à en douter. Il eut un grincement de dents, tira le coupe-choux russe qu’il portait et se di rigea rapidement sur la forme qui se glis sait à quelques mètres de lui vers le même but. Il avait reconnu l'uniforme des zouaves. D’un bond de tigre, il l’aplatit à terre et lui tenant la pointe de l’arme sur le cou : — Ah ! canaille, tu désertes, toi, un zouave ! lui murmura-t-il à voix basse. Ne bouge pas, ne crie pas, où je te cloue comme un crapaud dans la boue. Cepen dant l’autre aussi faisait des efforts pour saisir son sabre-baïonnette ; mais le capo ral avait une poigne d’hercule, il s’aperçut du mouvement, lui saisit le bras d’une main, le maintint sur terre, avec son ge nou, et lui arrachant l’arme du fourreau, la jeta au loin dans la nuit. Alors l’empoignant par le haut de la veste et lui tenant la pointe entre les deux épaules, il le redressa d’un bond et, le ge nou aux reins, le poussa en courant vers la parallèle française. Il l’envoya d’un jet dans la tranchée et sauta après lui. — Mon lieutenant, cria-t-il à l’officier, voilà un gredin qui passait à l’ennemi !...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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