Extrait du journal

balance qui dorftie la courbe d’engrais sement et^ d’amaigrissement, comparée à la proportion des excrela et des matiè res retenues, l’état des principaux orga nes, qui souffrent toujours de l’excès ou du défaut d’aliments. Le besoin d’exercice est tout aussi abuseur. Il est des gens qui ne pour raient pas digérer, travailler, dormir d’une manière aisée sans se livrer, au cours de la journée, à de longues mar ches ou à des sports équivalents. Pour eux aussi la nature parait conseiller l'action vive. En réalité, ils s’y sont accoutumés et leurs fonctions physiolo giques ne s’effectuent bien que dans ces conditions. L’entraînement est d’ailleurs, en cette matière, un masque qui peut cacher un dangereux surmenage. Un individu se soumet à des pratiques progressives de gymnastique. Il est peu à peu résistant à la fatigue et devient comme anesthé sié à son égard. Il développe ses mus cles et se montre plus vigoureux. Comme il dépense beaucoup d’énergie, l’appétit s'accroît et dépasse même le besoin réel : le sujet grossit. On peut croire que tous ces signes concordent pour caractériser un état de vitalité plus grande, une santé meilleure. Or, sous cet aspect de force, se cache sou vent une usure rapide des organes, dont l’épuisé ne se rend pas compte. Il ne sent pas la fatigue, dit-il, mais elle existe et son cœur est forcé, son rein scléreux, son cerveau mal irrigué. Un jour, à la faveur d’un refroidissement, d’une infection, le colosse aux pieds d’argile s'effondre et la tuberculose emporte ce malheureux, qui était dupe de sa vigueur. C’est ainsi que l’on peut expliquer la fin précoce de certains hommes de sport qui n’ont pas été aver tis par la nature qu’ils tarissaient par leur action les sources de leur vie. Nous ne sommes pas mieux prévenus de la nocivité de certains produits qui sont toxiques — ou tout au moins les premières impressions déplaisantes qu’ils produisent en nous se changent assez vite en sensations agréables. Ainsi l’alcool* qui brûle l’estomac et grise tout d’abord, devient doux par la suite et donne une illusion de lucidité et de vigueur intellectuelle. A la première cigarette, l’adolescent tombe dans un état nauséeux très pénible ; plus tard, le tabac lui procure l’impression d’une activité mentale plus légère. Même la morphine, qui fait d'abord vomir ses néophytes, développe peu à peu chez ceux qui la cultivent un bien-être qu'ils veulent sans cesse retrouver. Jamais la nature ne prévient les malheureux qui abusent de ces toxiques, pas plus que les imprudents qui boivent trop de thé ou de café : les palpitations du cœur seules les préviennent quand la dose tolérable est dépassée. Ce renseigne ment est obscur ; il indique que tel organe a été énervé par la caféine. Mais le goût, les sensations générales n’ont pas été des guides clairvoyants durant la longue étape qui conduit l’initié à l’intoxication chronique. Il ne faut donc pas compter sur la nature pour être prévenu à temps de ce qui nous est bon de ce* qui nou§ est mauvais. A mesure que l'être se complique et s'éloigne — comme l’homme — des pre mières organisations rudimentaires, ses réactions à l’égard des excitants, ali ments ou fatigue, présentent avec eux des rapports de moins en moins étroits. Il est obligé de s’observer davantage pour savoir ce qui lui est utile et ce qui lui est contraire, et la nature écrit pour lui un langage qui devient de plus en plus ardu à déchiffrer. Un premier pas dans le chemin de la sagesse ce sera déjà d’être sceptique à l’égard de la voix de la nature, qui est un peu comme la voix du sang — qu’on n’entend bien qu’au théâtre. DOCTEUR TOULOUSE....