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Le Petit Marseillais, 27 octobre 1936

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Le Petit Marseillais
27 octobre 1936


Extrait du journal

L— t Congrès radical est terminé. Le Front Populaire continue. Mais suivant une expression en usage dans la langue du ring, « il en a ». On pourra évidemment discuter jusqu'à perte de salive autour de la motion finale. Klle n’a été qu’une habileté destinée à éviter au parti un écartèlement douloureux. Ce ne sont pas les écrits qui comptent dans une semblable occurrence, c’est l’atmosphère, le climat ou -pour mieux dire l’état, d’esprit. L’habituelle vérité si souvent citée en justice ne s’appli que pas à la politique. Ici, c’est l’esprit qui tue et c’est la lettre qui ranime. L’esprit radical s’est révélé violemment, véhémentement anticommu niste. Antimarxiste est-on même en droit d'ajouter. Révélé est bien le mot. Les chefs eux-mêmes et les députés qui vivent autour d'eux ont été surpris et un instant déroutés par ce qu'ils croyaient un simple orage et qui a failli être un raz do marce. Nous l’avons dit déjà, en essayant de donner ici-même, jour par jour et presque heure par heure une exacte physionomie de ces assises uniques peut-être dans les annales du radicalisme. 11 n’est pas inutile d y revenir pour tenter d’en offrir une impression d'ensemble. Si tous les Français moyens ne sont sans doute pas radicaux, tous les radicaux ou à peu près sont des Français moyens. C’est à la lumière de cette vérité qu’il convient de regarder le radical. Le radical, qu’il laboure la terre, qu’il travaille dans un atelier, dans un magasin, dans un négoce, qu'il emploie des ouvriers, qu’il soit lui-même son propre patron, qu'il visite les malades, ou qu’il plaide pour la veuve et l’orphelin, porte une chaîne de montre, possède des économies et souvent un capital moyen, et se proclame fils de la Révolution Française. 11 a comme tant de Français, le coeur à gauche et le portemonnaie à droite. Or le gouvernement de Front Populaire l'a blessé à la fois au cœur et an portemonnaie. 11 lui a fait redouter en même temps la perte de sa liberté, de son avoir et il l’a heurté dans ses sentiments patriotiques, qu’il a très vifs.j Comme le radical se demandait oü on voulait l’entraîner, on le lui a montré sans ménagement. « Pour l'instant, lui a-t-on dit, nous avons encore besoin de vous ; mais dès que vous ne nous serez plus utile, nous nous hâte rons de vous abandonner. » Le renard Orléanais ayant dévoilé son dessein, les radicaux sont entres en fureur. Et le malheur (ou le bonheur) a voulu qu’ils se rencontrent à Biarritz. On dit quelquefois que les Congrès ne servent à rien. Quelle erreur ! Ils provoquent ce qu’on pourrait appeler des prises de conscience collectives. Cette révolte qu’ils croyaient être les seuls à nourrir dans le fond de leur cœur... ou do leur fédération et qu’ils prenaient peut-être pour un péché contre la foi dans le Rassemblement Populaire, des centaines et des centaines de radicaux se sont aperçus, au contact, qu elle était un sentiment presque général., De fédération à fédération ils se sont ouverts les uns aux autres. Cha cun a raconté la sienne et on en a appris de belles ! Dans tel département du Sud-Ouest, à la frontière espagnole, les radi caux figurent par exemple Jps premiers sur la liste des condamnés a mort par les futurs miliciens communistes. Dans tel autre la carte du parti et par conséquent la qualité d’adhérent au Front Populaire n’a pas empêché des patrons d’être séquestrés. Dans celui-ci, non seulement les communistes, mais encore les socialistes traitent les radicaux du haut de leur mépris et de ce fait le Front Populaire est pratiquement rompu depuis des mois. Et, en beaucoup d’endroits, les maires radicaux n’ont retiré de leur commerce avec les tyranneaux de village de M. Thorez ou même de M. Léon Blum qu’avanics, injures et misères., Ajoutez à cela la désillusion des campagnes, sur lesquelles la dévalua tion s’est abattue comme un orage de grêle, la colère des jeunes dont le tempérament ne s’accommode ni de la duperie ni de l’humiliation et l’inquié tude de la garde sénatoriale, effrayée de ce qu’elle a vu, épouvantée de ce qu’elle s’attend à voir, et lasse de donner au gouvernement des avertisse ments demeurés vains., Et voilà pourquoi, ouvert et clôturé an chant de « La Marseillaise », le Congrès de Biarritz n’a été qu’une manifestation anticommuniste de trois journées-, Pour apaiser cette tempête, on a eu recours, comme pour rendre les enfants sages, à Croquemitaine, on a agité devant le Congrès le fantôme de la réaction, rajeunie, modernisée et présentée sous le nom de fascisme. Mais les congressistes ne s’y sont pas laissé prendre. « Tout le monde n’est pas fasciste en dehors du Front Populaire », s’est écrié M. Marchandeau aux applaudissements de l’assistance. Au sirrplus, ils ont clairement discer né-où sont les véritables fascistes, c’est-à-dire les fascistes rouges. On a essayé en meme temps de réveiller leur rancune et de les exciter à la haine. Un hebdomadaire a consacré toute sa première page à la reproduction de passages d’articles écrits au lendemain des jours sombres de février 1934 contre les chefs radicaux et le radicalisme. Mais personne n’avait oublié — et des orateurs l’ont rappelé — que dans son numéro du 7 février l’organe du parti communiste réclamait le poteau pour les ministres radicaux, qu’il encense et caresse aujourd’hui. Bref, rien n’y a fait. Si la révolte ne s’est pas traduite dans les mots, elle demeure dans les cœurs. Révolte contre le désordre dans les rues, dans les esprits et dans les choses. Si bien que les ministres ont dû prendre des engagements. Car, il ne faut pas s’y tromper, ils ont pris des engagements. Us ne s’y trompent certainement pas eux-mêmes. M. Léon Blum encore moins qu’eux. Son amertume et sa mauvaise humeur, à Narbonne, sont l’évidente preuve qu’il a très bien vu le dilemme dans lequel la grande majorité des radicaux voulait l’enfermer : ou leur céder et s’exposer à la vindicte communiste, ou ne pas leur céder et s’exposer à leur vindicte. — Mais, dira-t-on, une fois les congressistes retournés chez eux, leurs chefs n’ont plus de compte à leur rendre avant le prochain congrès. C’est oublier qu’il y a des radicaux au Sénat. Quiconque s’est entretenu avec eux emporte la persuasion que si le Congrès n’a su que vouloir, ils pourraient fort bien être capables d’exiger-,...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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