Extrait du journal
Et l’on ne s’arrête pas en si beau chemin. Rien n’est plus plaisant que de voir, après les élections terminées, le travail de l'enle vage desafflehes. Chacune d’elles est épaisse de trois doigts, les affiches s étant super posées les unes aux autres. Elles tombent par gros paquets de papiers conglutinés. Le mal n'est pas grand, direz-vous. Il est plus grand que vous ne croyez. L’afficliage, qui autrefois entrait pour une assez petite part dans les dépenses d’une élection, en a singulièrement augmenté les frais, qui étaient déjà considérables. J’ai vu, dans mon neuvième arrondissement, à l’époque des élections législatives, une effroyable orgie d’affiches collées partout avec une profusion remarquable. J’avais donnéovdre chez moi, au domestique, de laisser les col leurs d’affiches badigeonner le mur exté rieur de la maison que j’habite, et y poser leurs papiers de couleur en toute liberté. Ils s’en donnèrent à cœur joie de tapisser et de retapisser, retapisseras-tu. tout le sou bassement et les entre-deux des fenêtres. Que de papier perdu ! me disais-je chaque matin, en voyant les ouvriers leur pot de colle et leur pinceau à la main, prendre la dimension de l'affiche encore toute fraîche du concurrent et la couvrir avec une in croyable dextérité d’un seul coup de pin ceau. La veille de l’élection, un candidat (je crois que ce fut M. Andrieux qui s’avisa le premier de ce truc, ) eut l’idée d’imprimer en lettres rouges énormes, sur l’asphalte du trottoir, son nom et sa qualité, en sorte que de dix en dix pas. on marchait sur ces mots qui se détachaient flamboyants sous ses pieds : Andrieux, candidat. Au reste, M. Andrieux ne fut pas accusé; mais il dut lui en coûter bon. Est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux que l'administration réservât des cadres d’affi ches et contraignît les candidats à y ins crire leurs noms et leur profession de foi, sur du papier de même grandeur. La lutte en deviendrait plus égale, et elle serait moins onéreuse aux petites bourses. Je vois venir le temps, où il faudra, pour se faire nommer, être millionnaire, ou politi cien sans fortune, mais ambitieux à la solde d’un parti. L’honnête homme, qui n’a qu’une modeste aisance, n’ira plus se fourrer dans ces bagarres, d’où l’on sort ruiné, et le plus souvent sans autre satisfaction que d’y avoir reçu une grêle d'injures et de coups. Tout lé monde n’a nas vingt-cinq ou.,. trente mille francs à meure à son élection. On parle beaucoup d’égalité. Mais nous avons beau être en démocratie, est-ce que ce n’est pas une inégalité choquante que cette facilité d'un millionnaire ù séduire le suffrage universel, tandis qu’un galant homme, qui est souvent plus instruit, d’es prit plus ouvert et plus délié, plus capable de rendre service à son pays, n'ose pas laute d’une vingtaine de mille francs, se mettre sur les rangs, il ne la trouvera pas. lui, jus tement parce qu’il est un galant homme, parce qu’il a ses idees à lui et qu’il ne vou dra pas se mettre tout entier entre les mains d’un parti, qui ferait alors les frais de son élection. Un risque-tout dans la du ché n’aura pas les mêmes scrupules. Et voilà comme, dans un temps, donné il n’y aura plus de choix qu’entre de hauts seigneurs à qui la fortune tient lieu de ta lent et de pauvres diables dont le plus grand talent est de n’avoir pas de conscience. Je ne connais pas tous ces candidats qui convoitent aujourd’hui, à Paris, le titre de conseiller municipal. Et qui tous, enragés, disputent ardemment A qui dévorera ce régné d’un moment. Au reste,personne ne les connaît.sauf une demi douzaine d’exceptions. Ce sont tous des politiciens de bas étage. Est-ce que vous avez vu dans cette foule quelques-uns de ces...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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