Extrait du journal
Le dernier Songe de Pharaon Et Pharaon eut, cette nuit-là, un nou veau songe, qui l'inquiéta fort. Il vit très clairement, aussi clairement que s’il eût entendu un discours de M. Poincaré, que les sept vaches maigres avaient dévoré les sept vaches grasses, qu’il n’en restait plus, et qu’elles en rede mandaient. Alors, il fit venir Joseph, son ministre Vu s finances, plus connu en Egypte sous h nom de Klotz, et il lui demanda une explication. - Mon Dieu ! Majesté, dit Joseph, c'est bien simple, cela veut dire que vous avez dépensé tout l’argent qu’on vous a demandé, et qu’il vous en faut encore. — Où diable veux-tu que je le prenne ? — C’est ce que je réponds à tous ceux lui m’en demandent. Mais ils sont plus jbstmés que vous ne pouvez vous l’ima giner ; ils se diavnt que c’est mon affaire, et non la leur, que leur rôle à eux con(Sênie ii réclamer de l’argent, et que le vôtre consiste à le leur procurer. Il y a surtout la laïque, qui est terrible. On a beau lui en fourrer, elle n’est jamais contente. Il y a aussi le programme naval. Il nous faut des bateaux, pour les faire sauter. Nous avons, en outre, notre mission de patron à remplir. L’Etat doit être un patron modèle. Il faut qu’il aug mente le traitement de ses serviteurs. Les retraites ouvrières vont nous coûter les yeux de la tête. L’assurance sur l’in validité s’impose. L'assistance publique, qui n'assiste que ceux qui n’ont besoin de rien, est un gouffre sans fond. Il faut construire des habitations à bon marché, exonérer les petits loyers, abolir l’octroi, en un mot, augmenter les dépenses en supprimant les recettes. C’est la réalisa tion du fameux desideratum : demander plus à l’impôt et moins au contribuable. Je ne sais où donner de la tête. — Mais, si tout est à faire, à quoi donc emploie-t-on l’argent qu’on a ? Il me semble que le budget monte à plus de quatre milliards l — Quatre milliards six cents millions, Majesté. — Il m’apparaît qu'il y a là de quoi acheter des prunes. Qu’cst-ce qu’on fait de tout cela, puisque, lorsqu'on a besoin de quelque chose, on n’a jamais d’ar gent ? — Cela Vient de ce que ces quatre mil liards six cents millions représentent la dépense, non la recette. On sait bien ce qu'on dépense ; mais on ne sait pas ce qu’on touche. Nous nous perdons au milieu des dégrèvements. Encore un peu de temps, et il n’y aura plus qu’une partie de la nation qui paiera. Or, si vous pensez que ceux qui ne paieront point ont le même droit de contrôle que ceux qui paient, vous vous expliquez aisément comment les charges augmen tent. Du moment où c’est le voisin qui supporte tout, on n’y regarde pas. — Je comprends parfaitement, et c’est ^pourquoi je crains que la situation ne s’améliore pas. Si la majorité n’y prend pas part, les dépenses s’accroîtront de jour en jour. Je ne vois pas le moyen de sortir de là. — Je donnais cependant de sages Conseils. — Qui ne sauraient être suivis. Chacun tire la couverture de son côté, en sorte que, un beau jour, tout le monde fera la culbute. — Quand on leur dit ça, ils répondent que cela leur est bien égal. Ce qui est pour tout le monde n’est pour personne. Chacun tient fort à son coin et espère bien n’êtrc pas culbuté. Quant aux au tres, qu’ils se débrouillent. — Mon cher Joseph, j’ai remarqué depuis longtemps que l’espèce humaine est composée de jem’enfoutistes. Elle vante le désintéressement quand elle le constate chez autrui ; mais c’est un mets qu’elle apprécie peu pour la maison. Cependant, la sagesse orientale dit que tant va la cruche à l’eau, qu’à la fin elle se brise. — C’est mon opinion. En attendant, je ne sais comment contenter vos vaches maigres. Le budget, c’est comme qui dirait le naufrage du Titanic. C’est un bateau superbe, mais il coule ; on a tout ce qu’il faut là-dedans, au delà de ses désirs ; mais cela coule. Les glaçons l’ont saisi, et, d’ici à quelque temps, vous le verrez s’engloutir, ne laissant plus même un vestige dans la mer calme. Je voudrais le retenir, je bouche les trous, mais j'ai beau en boucher, il s’en reforme toujours. Cependant les passa gers font de la musique. Ils jouent des airs d’opérette. Leur mort sera gaie. — Us ont peut-être raison. U vaut mieux mourir en chantant. Allons nous coucher, Joseph. Demain, nous réserve peut-être des surprises agréables. On trouvera peut-être un trésor égaré. — Le ciel vous entende I HENRY MARET.,...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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