Extrait du journal
duiraient plus dès lors que deux fois en quatre ans ; le régime désastreux des douzièmes provisoires ne pourrait repa raître que deux fois par législature ; les dépenses du quatrième budget seraient soustraites à la prodigalité des candidats sortants. Cette idée commence à se faire jour depuis que l’on prévoit avec un juste effroi des longueurs susceptibles d’aller jusqu’au mois de juin. Elle est digne de conquérir l’adhésion tous les boifc qualifiés pour lui donner une portée pratique. J. THIERRY., A la Mairie J’ai appris avec une certaine indifférence qu’on allait mettre un impôt sur les palmes académiques. Si vous voulez que je vous dise mon opinion, j’aime mieux ça que l’augmen tation du prix du tabac : ça me gêne moins. Mais je n’eusse jamais cru que ce projet rem plirait d’une joie aussi féroce l'ami que je rencontrai hier sur le boulevard. — Oui, dit-il, qu’on les fasse payer, ceux qui veulent les palmes académiques ! Qu’on leur demande une déclaration, signée d’eux, écrite sur papier timbré, légalisée par le maire, le commissaire de police et le prési dent de la République ! Qu’on les 'supprime complètement, même, les palmes académi ques, ça vaudra bien mieux. — Pourquoi ça ? protestai-je. Les palmes sont une décoration qui vaut les autres déco rations. Une décoration bleue, couleur d’es pérance, et assez jolie. Et elle ne fait de mal à personne. — Vous croyez ça, répondit-il, avec une sombre rancune. Eh bien, c’est ce qui vous trompe. Moi qui vous parle, je suis une vic time des palmes académiques. Je leur dois la perte de ma situation, la misère de ma fa mille, le mépris de mes voisins. Elles sont cause du plus grand désastre de ma vie, du plus grand désastre, entendez-vous ! — Je me plais à croire, fis-je, que vous exa gérez. — J’exagère ? Vous allez voir ! Il y a dix ans, j’étais un homme heureux, employé dans une lies grandes administrations de l'Etat.Mes jours coulaient sans événement, égaux, nom breux et pleins. Et voilà qu’un jour ma con cierge me dit : — Il y a un garde municipal à cheval qui demande à vous parler. » Je descendis. Le centaure casqué m’atten dait sur le trottoir. 11 n’y a que les gardes municipaux qui aient le droit de monter à cheval sur les trottoirs : c’est un privilège magnifique I Et U me tendit un pli fermé. — On vous deïïmnüe, à la mairie, me dit U.» Je courus tout de suite à la mairie avec ma lettre. Escalier do gauche, premier étage, troisième couloir à droite, seconde galerie à gauche, bureau 9. Je frappe poliment, j’entre et je trouve un employé qui me dit : — Vous êtes proposé pour les palmes aca démiques. Je suis chargé de faire une en quête. Vous êtes bon républicain ? Si vous voulez le savoir, la politique, je m’en fiche. Mais je n’avais pas besoin de le dire, ça ne regarde personne. Je répondis# — Moi ? Vieille famille républicaine. Il n’y a jamais rien en de plus républicain que ma famille. Mon père était communard, mon grand-père victime du 2 Décembre, mon tri saïeul fabricant de guillotines, mon quintilieul a voulu assassiner un cardinal.Ainsi..., — Et vous votez bien ? Cette question m’embarrassa. Pour vous avouer la vérité, je ne vote jamais. On met toujours les élections le di manche,_ je ne sais pas pourquoi, le seul jour où je puisse aller à la chasse ou à la pêche à la ligne. Mais c’est un détail qui ne regarde que moi, cet employé indiscret n’avait pas be soin de le savoir. Je protestai : — Si je vote bien I Toujours pour le candi dat le plus avancé. Dites-moi le nom du candidat le plus avancé l C’est pour lui que je vote, les yeux fermés. L’employé me répondit d’un air placide : — Très bien î monsieur, très bien 1 Ces sentiments vous honorent. Je m’en allai tout guilleret, et bientôt pensai à autre chose. Quelques jours après, le con cierge monta jusqu’à mon troisième étage, et me dit : • — Il y a un garde municipal à cheval qui vous demande. — Encore î Vraiment, il y a des gardes municipaux à cheval qui sont à répétition ! Pour épargner mes pas,je dis au concierge : — Faites-le monter ! — Monsieur, répondit ce fonctionnaire in testin, il ne descend jamais de son cheval ; c’est dans le règlement. Je m’abaissai donc plein d’une résignation murmurante jusqu’à ce garde municipal qui me remit un nouveau pli : J’étais encore une fois sommé de me rendre à la mairie. — J’y allai en rechignant. L’employé que j’avais déjà vu m’accueillit avec la courtoisie la plus amène., — Monsieur, me dit-il, vous votez bien ? m’avez-vous dit. — Pour le candidat le plus avancé, répon dis-je. Toujours ! Où est-il, le candidat le plus avancé ? Montrez-le moi, que je me précipite. Mais l'employé,avec un sourire exquis,une po litesse délicieuse et péremptoire, me répliqua : — Vous me voyez désespéré d’être obligé de n’en rien croire. Avec quoi, monsieur, auriezvous voté ? Et il me jeta — vous savez, comme on jette un jeu d’atouts, à la manille ? — il me jeta tout un jeu de cartes électorales : toutes mes cartes d’électeurs depuis vingt ans. Je n’étais jamais venu les chercher. Même, au premier abord, je ne sus pas ce que c’était : j’ignorais même comment c’est fait, une carte d’électeur. — Vous ne votez jamais l conclut l’employé. — Eh bien ! non, je ne vote jamais, lui ré pliquai-je, exaspéré. Et s’il faut voter pour obtenir vos sales palmes, j’aime mieux la pê che à la ligne, j’aime mieux la chasse aux alouettes, j’aime mieux aller au café 1 — Ça vous regarde ! fit-il. Et c’est la vérité que ça m’était bien égal, de ne pas avoir les palmes. Mais le gouver nement, ce sale gouvernement, m’a mis à la retraite d’office, avec cette note : « Médiocre employé, mauvais républicain. » Voilà à quoi ça lui sert, an gouvernement, ses palmes hy pocrites : à se procurer des renseignements sur ses fonctionnaires. Ça me dégoûte, j’aime mieux qu’on les supprime 1 Il y avait une apparence de raison à ea fu reur. Je ne lui répondis rien. PIERRE MILLE.,...
À propos
Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.
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