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Le Petit Marseillais, 30 mars 1902

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Le Petit Marseillais
30 mars 1902


Extrait du journal

Parmi les réformes promises, qui ne sont souvent que de la graine élec torale jetée dans les sillons populai res, la diminution du service militaire figure en première ligne. Tous les partis semblent avoir, pour appât commun à prendre des suffrages, la réduction de l’impôt du sang, comme on disait autrefois, et qui est devenu en réalité, durant cette longue paix de trente ans, une prestation en nature, une sorte de corvée personnelle. C'est mauvais signe pour une nation que cet empressement à vouloir dépo ser les armes. La République romaine a commencé à décliner quand les citoyens ont armé, à leur place, des légionnaires recrutés dans les provin ces soumises. Sous la décadence impé riale, où les barbares composèrent seuls les armées, la désagrégation du vaste monde antique ne fut plus qu’une question de temps et d’occasion propice. Nous n'en sommes pas encore là. C’est cependant un fâcheux état d’âme national que cet accueil si favorable que rencontrent partout les proposi tions d’abréviation des périodes con sacrées à l’exercice et à l’entrainement, pour la défense du pays en temps do guerre, pour le maintien de sa dignité et de son prestige en temps de paix. Autrefois de sept années, puis tombé à cinq ans, ensuite réduit à trois, voici qu’on en est arrivé au service de deux ans, qui a de grandes chances d’être adopté, si ce n'est par cette Chambre expirante, du moins par la prochaine. On a même parlé du service d'un an. Le Petit Marseillais a publié, sur ce sujet si important, d intéressantes observations Mais si le projet de M. La n ne s de Montebello était adopté, et il serait peut-être le meilleur, avec la réserve que nous indiquons, il con viendrait de ne l’appliquer qu’après avoir constitué une armée permanente de 300,000 vieux soldats endurcis et disciplinés, formant à la frontière et sur tous les points menacés un rem part mobile et solide de poitrines humaines. Qu’il soit d’un an, ou de deux ans, le service militaire réduit exige une préparation. Pour l'infanterie, lu solu tion est assez facile, il est possible, sans apporter un grand trouble dans les occupations civiles, sans gêner les jeunes gens dans leur carrière, de les exercer utilement et sans trop de frais dans les deux années précédant leur incorporation. Pour la cavalerie, l’exer cice préparatoire rencontrerait plus de difficultés. Cependant, avec de la bonne volonté, et quelques sacrifices d’argent, il serait facile de trouver, sinon dans tous les villages, du moins dans les bourgs, des chevaux de selle et un manège, ou les futurs cavaliers apprendraient l’art de 1 équitation. 11 est moins aisé de manier une charrue que de monter un cheval. Dans cer tains pays de culture, tous les gamins sont cavaliers. En un un de présence ou corps, ces écuyers rustiques se perfectionneraient, et seraient aussi fermes en selle que des cuirassiers ou des hussards après dix-huit mois d'école. Pour l’artillerie, la difficulté est en core plus grande : on ne peut pas s’exercer au canon dans chaque vil lage. Mais il est bien peu de dépar tements où la nature n’ait pas disposé de vastes espaces où des polygones pourraient être installés. On recrute rait les artilleurs spécialement parmi les jeunes gens avoisinant ces champs de tir naturels. L’artillerie n’a pas besoin d’un contingent aussi fort que les autres armes. Nos régions monta gneuses fourniraient à la lois, et en quantité suffisante, les espaces réser vés à l’apprentissage du canon et de solides gaillards capables de manœu vrer cette arme lourde. En dehors de l’entraînement moral, qui peut d’ailleurs s’acquérir dans la vie civile, par les bonnes lectures, par les conférences patriotiques, par l'exemple des héros et le souvenir des gloires passées, la France pourrait recruter des conscrits, ayant fait leur apprentissage militaire hors de la caserne, sans grande gêne, sans lati— gue,sans interruption sensible do leurs travaux, et qui, en deux ans de pas sage sous les drapeaux, deviendraient des soldats exercés. Toute la question de la réduction du service militaire doit donc se résoudre par l’appren tissage antérégimentaire,et pour toutes les armes c'est une question de tir. Malgré les plus grands efforts, le tir n’a pas encore pénétré dans nos mœurs. Chacun reconnaît 1 utilité de former de bons tireurs. Lne poignée de bons tireurs adroits, disséminés a propos, protégés pur des abris natu rels, peut faire éprouver de granaes pertes à l’ennemi, notamment dans les combats d’avant-garde et dans les retraites. Placés à l’avant ou sur le liane des colonnes, ces tirailleurs habiles peuvent arrêter un corps en nemi dans sa marche en avant,donner le temps aux renforts d’arriver, ou Permettre au chef de prendre ses dis positions pour un mouvement offen sif. Avec les armes modernes, quelques hommes déterminés, embusqués ou à couvert, peuvent tenir lieu de forces...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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