Extrait du journal

Une photographie nous montre M. Stre semann en manches de chemises> soignant ses rosiers... Il est fort probable qu'il ne leur donna pas beaucoup de soins et qu'il ne flâna pas souvent par les allées de son jardin. Les détails qu'on nous donne sur sa fin brutale et foudroyante nous apprennent en effet de quoi' il est mort. Il est mort tué par le pouvoir, tué par la politique, tué par ses amis et ses adversaires, tué par les événements et les incidents, par les discours et par les faits, tué par lui même et par les autres. On dit qu'il était atteint d'une grave maladie. Mais sa plus grave maladie fut d'être l'homme d'Etat qu'il était en des temps particulièrement difficiles et bous culés. La maladie peut-être lui aurait laissé quelque répit. Le pouvoir ne lui laissa pas un instant de liberté. Epuisé, brûlé de fièvre, il s'alita dimanche. Mais dimanche, il fallut pour tant qu'il' expédiât quelques affaires urgentes. Toujours brûlé de fièvre, le lundi, le mardi, il dut assister à des déli bérations du parti populiste. La veille de sa mort, on l'obligea à monter à la tri bune du Reichstag. Il obtint, du reste, une belle majorité. Et puis, il râla... Il y a des hommes que l'ambition poli tique dévore. Il y a des hommes dont le désir suprême est de gouverner les autres hommes. Us ne savent donc pas de quelles chaînes le pouvoir charge ceux qui sont vraiment des chefs. Il y a certes autour du pouvoir quelques douces places. Il y a des postes où la vanité peut s'épanouir, où l'effort peut tranquillement se soutenir. Mais ces places, ces postes ne sont que des fauteuils dorés. Le pouvoir, c'est le feu, c'est la flamme. Autour du feu, les favorisés s'installent et paradent. Au coin du feu, les malins se blottissent... Le pouvoir peut aller aussi à des hommes qui ne sont pas des chefs et qui émasculent leur autorité. Mais pour ces « puissants » impuissants, le pouvoir n'est qu'un meuble décoratif. L'homme d'Etat seul, le véritable homme d'Etat possède le pouvoir... Alors, quel esclavage I Alors, quelle pesante, écrasante, quelle surhumaine charge!— Alors, quelle terrible destinée 1 Maurice PRAX....