Extrait du journal

Chez les Humoristes Les humoristes viennent d'ouvrir leur salon annuel, et les visiteurs abondent, devant leurs toiles amusantes, leurs croquis lestement enlevés qui, sans méchanceté, égratignent les hommes et les travers du jour. On peut bien le dire, sans risquer d'être contredit, il se dépense, dans les journaux illustrés et les quotidiens, des trésors d'observation et de talent. Et tel caricaturiste célèbre qui se présente a l'Institut ne sera pas déplacé sous la Coupole. C'est qu'en art, il n'y a pas de petit genre tel peintre qui se plaît à noter les menus faits journaliers peut dépenser autant de talent, de génie même, qu'un décorateur couvrant de larges fresques. Dans les salons annuels des humoristes, la foule retrouve exposées les images qui l'ont fait rire, chaque semaine, dans les périodiques. Ce sont d'aimables et vieilles connaissances qu'on a plaisir à retrouver. Pour queile raison eprouve-t-on une véritable joie à contempler les grosses dames outrancieres d'Abel Paivre, les dessins dignes des maîtres japonais de Cappiello, les visages comiques et déformés de Léandre? C'est sans doute que l'on veut oublier la vie qui fournit tant d'événements tragiques. Ce ne sont, autour de nous, que catastrophes, crimes, menaces perpétuelles contre l'étatsocial aussi, remercié 4-on les artistes qui, pendant un instant, font défiler devant nos yeux des silhouettes originales et réjouissantes. Enfin, cette façon gaie, drôle, d'envisager les situations et les êtres, n'est-elle pas l'un des privilèges de notre race ? Si l'on parcourt attentivement le recueil qu'un confrère de talent, M. Pierre Mille, vient de consacrer aux humoristes, on reste confondu devant le grand nombre d'écrivains auxquels on est en droit de donner ce nom. Nous connaissions Courteline, Alphonse Allais, mais Victor Hugo, Rostand, 'l'aine doivent dans une certaine mesure être considérés comme des humoristes, et les pages citées par M. Mille sont, en effet, caractéristiques à ce point de vue, tout au moins inattendu....