Extrait du journal
Le succès est venu et bien venu. Pour ce premier jour de fête où l'Ex position coloniale n'aura pas fermé ses portes dès la chute du jour, on pourra sans doute chiffrer à 800.000 le nombre des visiteurs, dont 60.000 ou 80.000 pour le moins ont tenu à assister à l'ex tinction des feux aux environs de minuit. C'est que, pour la première fois, le public était admis à contempler le grand parc de légende et de rêve avec sa parure de lumières et d'eaux jail lissantes. Une fontaine lumineuse, cas cade de perles tombant de cinquante mètres de hauteur, orne l'entrée prin cipale. L'eau ruisselante coule sur des moulures que l'on dirait sculptées dans un marbre lumineux. Des projecteurs cisèlent avec une vigueur accusée les bas-reliefs grouil lant de vie qui ornent jusqu'au toit le musée permanent des colonies. Les allées qui conduisent aux divers pays, aux multiples palais coiffés de coupoles ou terrasses, ou casqués de tiares étranges de chaume blond, de toits de pagodes, autour des hauts mi narets qui se perdent dans le velours, bleu de la nuit ont chacune son lumi naire distinct par la forme et par la couleur. Ici ce sont des lotus géants, ici des volubilis entassés l'un dans l'autre par paquets de six et resplen dissants de lumière blanche. D'autres allées sont rouges ou vertes. L'avenue principale qui passe devant Angkor tout baigné d'or liquide est surmontée des aigrettes bleu élec trique de quatre pprojecteurs et jalon née de pylônes blancs au sommet des quels, hommage à quelque déesse, fument des brûlots et que rehausse de bas en haut, à toutes leurs arêtes, un trait de néon bleu ou rouge. La plupart des autres avenues sont bordées de colonnes lumineuses, de mâts cerclés d'anneaux vert jade, de larges pétales de verre dépoli abritant des feux discrets. Puis voici la tour des bucrânes, dans la partie du bois réservé à Madagascar, tour de 50 mè tres de hauteur terminée par les qua tre têtes de boeuf aux cornes de lyres et que caressent les tendres rayons d'une lumière tamisée. C'est une fantasmagorie qui dépasse toute description et qui arrache à la foule des cris de ravissement. Sur le lac, deux voûtes d'eau entre lesquelles se trouve une des passerelles reliant la rive à une île laissent apercevoir les ombres étranges et falotes des visi teurs. Une colonne d'eau s'élance à soi xante mètres de hauteur et retombe en cataracte de rubis, d'émeraudes, de tur quoises, de saphirs. Ici la lumière crée de l'irréel ; là, au contraire, elle accuse les formes, met en valeur le 3 volumes et les masses ; et elle donne à la ver dure des arbres une tendresse insoup çonnéevLes nuits de l'Exposition seront belles, à tenter la plume de Paul Morand. Sans aucune doute, un merveilleux magicien aidé do quelques fées d'un modernisme aigu, a dû présider à la naissance de ces jeux de la lumière et de l'ombre et le spectacle offert dans ce décor de rêves et d'évocations, est de ceux que l'on n'oublie pas....
À propos
Le Petit Parisien est un grand quotidien français, publié entre 1876 et 1944. Il était l’un des principaux journaux sous la Troisième République.
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