Extrait du journal
Si on a bien voulu suivre, jusqu'à présent, ce reportage sur l'ltalie d'aujourd'hui, on aura vu le fascisme rompre avec la plupart des principes démocratiques qui gouvernent, à des degrés divers, tous les autres peuples européens (exception faite de la Rus sie soviétique) et l'on se sera rendu compte que le régime mussolinien encore, et pour longtemps peut être dans une période de croissance et d'évolution doit continuelle ment stimuler les forces morales du pays et déployer une grande activité afin de donner au peuple la foi dans le collectivisme et le préparer à la vie nouvelle qu'il veut pour lui. J'entends tous les jours, ici, des Italiens noter comme des succès importants l'inscription de quelques milliers de citoyens de plus sur les listes du parti. Cet apostolat en faveur du fascisme ne connaît point de répit. Après les enfants des écoles voici qu'il s'adresse mainte nant aux adultes, en organisant leurs loisirs. Cette tâche appartient aussi à une œuvre nationale dont le nom a été formé de deux mots : dopo, après ; lavoro, travail. Avec le dopo lavoro, la propagande de l'Etat fas ciste enfonce de nouvelles racines dans les masses populaires. J'entends Français me dire : « Est-ce possible ? Le repos après le travail n'est-il pas une chose qu'on a le droit de garder égoïstement pour soi ? N'est-ce pas ce temps-là qui vaut la peine de vivre ? N'est-ce pas seulement loin des machines et des comptoirs que le travailleur reprend conscience de lui-même et se livre enfin à ses pensées ? » Certes, je ne nous vois guère quittant la besogne quotidienne pour nous diriger d'un pas alerte vers un cercle surveillé par l'Etat, qui nous offrirait en des locaux spacieux, hygiéniques et confortables l'agré ment de rencontrer encore, autour d'un billard ou d'un échiquier des chefs de bureau devenus souriants, des contremaîtres devenus amènes. Si nous n'aimons pas cela, c'est qu'il y a en nous un petit démon auquel nous devons autant de grandes joies que de sérieux ennuis et qui s'ap pelle l'individualisme. Cette qualité qui est un défaut, ce défaut qui est une qualité nous le devons surtout à une répartition harmonieuse de la richesse. Beaucoup de Français avec du travail et de l'économie peuvent acquérir du bien et avec lui le goût de l'indépendance. Combien sont différentes les condi tions d'existence des Italiens. Dans leur pays, moins bien partagé par la nature, la lutte pour la vie prend un caractère plus âpre ; la sobriété, qui est une qualité admirable de nos voisins, s'impose davantage au peuple ; l'argent vaut plus cher ; la peine est meilleur marché. Voyez les travailleurs manuels. Ce qui frappe chez eux ce sont les muscles longs et durs et les yeux brillants dans le visage osseux. En général, ils ne sont ni larges ni grands, mais ils sont faits pour arracher durement le pain quotidien. Je voyais l'autre jour dans les marais Pontins, où l'on construit une ville, des équipes de terrassiers travaillant dans la boue, avec des vêtements souvent déchirés, portant sur des claies des pierres qui eussent fait plier des hommes mieux bâtis. Sur ce vaste chantier rebutant, on n'entendait ni chants ni rires et je fus frappé par ce que ce labeur avait de farouche et d'opiniâtre. Quand vint le moment de manger, ils s'assirent sur des pierres et, les pieds dans la vase, se mirent à mâ cher en silence. Ce spectacle me parut grand. Après cela, je ne m'étonne plus que le fascisme songe à donner aux ouvriers, aux employés modestes des cercles dans lesquels ils trouvent des plaisirs simples et un réconfort nouveau. En échange, le régime cherche à leur inculquer l'esprit de groupement, du groupement fasciste bien entendu, qui n'existe qu'en fonction de l'Etat. Ce n'est pas là une tâche aussi facile qu'on le croit, car, malgré tout ce que je viens de dire sur ce qui distingue de nous les Italiens, ceux ci, au moins dans certaines pro vinces, sont naturellement assez peu enclins à se mêler à la vie collec tive, non qu'ils soient jaloux de leur indépendance privée mais plutôt...
À propos
Le Petit Parisien est un grand quotidien français, publié entre 1876 et 1944. Il était l’un des principaux journaux sous la Troisième République.
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