Extrait du journal
II y a environ un an, le franc valait un peu plu 3 que le dollar. C'est le contraire depuis une quin zaine de jours. A 25,62 et demi, le dollar, selon l'expression technique, est au-dessus du point d'or. Qu'est-ce que ce terme veut dire ? Il signifie qu'il y a bénéfice à échan ger des francs contre l'or que la Banque de France délivre en lin gots, à expédier cet or à New-York et à le transformer en dollars, opé rations qui ne sont pas à la portée de tout le monde et pour lesquelles quelques spécialistes seulement sont outillés. La première remarque à faire, c'est qu'une monnaie-or ne peut baisser que dans une étroite limite par rapport à une autre monnaie-or aussi longtemps que la banque d'émission délivre sur demande du métal précieux. La baisse ne s'ac centue qu'à partir du jour où les réserves métalliques tendent à s'épuiser, le cours forcé est rétabli. C'est précisément ce qui est arrivé à la livre sterling. C'est ce qui n'est pas arrivé au dollar. Et ce n'est pas non plus ce qui, pour l'heure, menace le franc. Seconde remarque qui est de bon sens : pour que l'on puisse vendre une monnaie contre une autre, il faut d'abord posséder certaines quantités de la première ou, ce qui revient au même, des crédits libellés dans la première. Il est clair que s'il fallait en premier lieu acheter des francs pour les transformer en or, puis en dollars, le franc ne bais serait pas puisqu'il commencerait par être demandé. Par conséquent, les départs d'or doivent s'arrêter le jour où les dis ponibilités de l'étranger dans la monnaie attaquée touchent à leur fin. C'est ce qui s'était produit, en 1931, pour le dollar. Une fois les avoirs étrangers retirés d'Améri que, les phénomènes d'hémorragie ont disparu jusqu'à ce que la situa tion se soit retournée en faveur du dollar et au désavantage de notre devise. Il s'agirait donc de connaître les quantités de francs qui peuvent être retirées. Bien qu'il paraisse difficile de donner un chiffre précis, on les évalue à une quinzaine de milliards, alors que l'encaisse de la Banque de France dépasse 83 milliards. Et, jus qu'à présent, si l'on a signalé quel ques embarquements de métal jaune à destination de New-York ou d'Amsterdam, le bilan de la Banque de France n'en porte que de faibles traces. La diminution de l'encaisse a été de 15 millions au bilan publié le 15 décembre et de 75 à celui du 22. D'autre part, la couverture légale de notre monnaie, c'est-à-dire le niveau de garantie au-dessous duquel on ne doit pas descendre, est de 35 %. Cette proportion s'établit cette semaine au chiffre record de 78 %, ce qui laisse de la marge devant nous. Quelle conclusion doit-on tirer de là ? Il n'est pas très difficile de la dégager. C'est que, du dehors, on ne peut pas nuire gravement à la monnaie d'un pays qui n'est endetté à l'extérieur que d'une manière nor male. Si, au déficit de notre balance commerciale, déficit compensé en partie par les revenus du porte feuille français, nous avions à ajou ter le paiement des dettes de guerre après avoir perdu les rentrées cor respondantes du plan Young, il est clair qu'une pesée s'exercerait de surcroît sur le franc. Il n'y a qu'à voir l'effet déprimant qu'a produit sur la livre sterling la décision du gouvernement britannique de satis faire à l'échéance du 15 décembre. Les dettes de guerre mises à part, l'étranger n'a pas présentement sur nous des créances suffisantes pour menacer nos réserves d'or et par suite le franc. Le danger n'est donc pas au dehors. Il n'est pas dans la spéculation qui, en 1926, s'était retournée d'une manière aussi ins tantanée que torrentielle en faveur de notre devise. Le danger moné faire ne peut être qu'au-dedans, comme le salut monétaire, qui a été et qui est toujours en nous. L'expérience nous l'a assez appris. Seuls des déficits budgétaires pro longés, la reconstitution d'une dette flottante excessive, puis l'affaiblisse ment et la disparition de la con fiance publique pourraient porter atteinte à une monnaie que, depuis la stabilisation, le doute n'effleurait même plus. Dans un état financier sain, le franc est inattaquable. C'est pourquoi l'esprit se refuse à conce voir que, après une épreuve encore si récente et des exemples aussi lumineux, de bonnes finances n'ap paraissent pas comme une nécessité impérieuse, étant la condition de la santé monétaire qui intéresse indis tinctement tous les Français. Jacques BAIN VILLE...
À propos
Le Petit Parisien est un grand quotidien français, publié entre 1876 et 1944. Il était l’un des principaux journaux sous la Troisième République.
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