Extrait du journal

Quand on lit, même d'un œil distrait, les détails de la nouvelle affaire de la femme coupée en morceaux, on croit relire un. vieux roman ténébreux d'Eugène Sue. Les Mystères de Paris et de la banlieue de Paris sont, hélas ! un feuilleton qui est encore à suivre. Tout, dans cette affaire, est sinistre, lamentable, horrible. Hôtels borgnes, coins perdus et tragiques de la jungle citadine, décors de misère, bouges cra puleux, filles de rues, anciens forçats, rien ne manque à ce crime classique et affreux, qui paraît être un cinquième acte de l'ancien répertoire de l'Ambigu. Quelles figures I Quelles existences! Et puis le mystère de l'homme du mer credi ! A la recherche de l'assassin, la police court. Et elle découvre, au cours de ses recherches, des taudis insoup çonnés, de lamentables épaves humai nes terrées au fond de ces taudis, dans lesquels passent comme des ombres des errants, des vagabonds, des naufragés qui, chaque soir, changent de misère et changent d'état civil. Jusqu'ici, dans cette sombre affaire, c'est l'ancien bagnard, déniché sous un lit boiteux, qui fait la meilleure figure. Son titre de forçat honoraire est presque une réfé rence. Dans les fourrés de la jungle se cachent les irréguliers, les rebelles, les sauvages, les déserteurs du travail, les insoumis, ceux qui ne veulent plus accepter la tâche quotidienne, ceux qui n'ont jamais voulu l'accepter, ceux aussi que l'infortune a brisés, ruinés, avilis. Et, jour et nuit, la faim, la misère, le vice, le besoin rôdent par les ruelles et par les avenues. ' On peut voir qu'il était vraiment temps de songer à épurer Paris. On peut voir que la besogne n'est pas légère. On peut voir qu'elle est urgente et pressante. Il faut beaucoup d'éner gie encore, beaucoup de vigilance, beaucoup de résolution. Mais pour épu rer vraiment Paris, il faudrait aussi beaucoup de prévoyance, beaucoup d'organisation, beaucoup d'œuvres vraiment sociales, beaucoup d'humanité, beaucoup de pitié. Maurice PRAX....