Extrait du journal
LES BOUMS BE CBB Lettre ouverte à M. le Ministre des Finances Monsieur le Ministre, — Lors de cette ar dente bataille qui aboutit au vote transac tionnel dç l’amendement Morlot, vous n’avez pas manqué d’affirmer nettement que la loi concernant les bouilleurs de cru serait inter prétée dans le sens le plus large et le plus conforme aux intérêts ae la démocratie ru rale. Hélas ! votre administration s'est chargée bien vite de vous donner unéclatont démenti et votre loi de tolérance est devenue rapide ment une loi d'inquisition et de vexation. A la veille de la voir appliquée à nouveau dans toute sa rigueur, je tiens à protester auprès de vous contre l’interprétation abu sive dont elle est l’objet de la part de vos services. L’article 20 du paragraphe 2 est ainsi conçu : « Les quantités a alcool de cru exis tant en la possession du récoltant, lors d’une première fabrication doivent être déclarées et prises en charge ou soumises immédiate-; ment à l’impôt ». En ce qui concerne les populations que j’ai l’honneur de représenter, pas un bouilleur n’a compris le sens vrai de cet article. Tous sc sont refusés avec raison à admettre qu’ils devaient acquitter les droits sur des eaux-devie et kirsch dont la fabrication remontait à plusieurs années, parfois même à plus de dix ans. Les uns crurent que la déclaration n’en traînait que la prise en charge pour mé moire, les autres estimèrent que le stock existant chez eux au moment où ils faisaient leur déclaration de distillation serait cumulé avec le produit de cette opération et que serait seulement imposé l’alcool de ces deux quantités réunies qui excéderait les 20 litres accordés par la loi pour la consommation familiale. Prenons un exemple : Un bouilleur désire distiller et déclare avoir en sa possession 20 litres de kirsch à 50 degrés, soit en alcool pur 10 litres Sa fabrication nouvelle produit 9 litres Au total 49 litres N’a-t-il pas toutes raisons ce bouilleur d& prétendre que puisque la loi lui accorde 20 litres, il ne doit rien au Trésor? Eh bien, non ! Vous lui répondez que les 20 litres seront pris sur les produits de la campagne en cours. Il a bien le droit de faire 20 litres d’alcool, mais il lui faut les boire dans l’année. Si par hasard, il lui plaît de laisser vieillir son alcool, de bonifier son produit, vous intervenez, vous, gouverne ment républicain, pour lui rappeler qu’au nom de l’idée démocratique il doit laisser aux seuls riches le droit désormais de boire les vieux alcools. Disparue la bouteille choisie qu’au jour de fête familiale le bouilleur apportait avec orgueil. Il faut payer et le fisc est là qui ne permet pas la discussion, malgré tout le dé sir de justice et de conciliation qui peut ani mer ceux qui sont chargés d’appliquer cette mesure inique. Mais, dites-vous, vous avez l’article 24, le fameux article 24 qui dit : « sont dispensés de toutes déclarations autres que celles pré vues aux articles 42 à 18 ainsi que de toute vérification et prise en charge, les proprié taires, fermiers et métayers qui, après avoir justifié qu’ils ne cultivent pas une superficie plus considérable de vignes ou un plus grand nombre d’arbres fruitiers en rapport normal, qu’il n’est nécessaire pour la pro duction moyenne de 50 litres d’alcool pur, suivant les usages du pays, distilleront chez eux les vins, cidres, lies, marcs, prunes, prunelles, provenant exclusivement ae leur récolte. » Il est joli l’art. 24 interprété par votre ad ministration. Ah, si vous lui aviez laissé l’esprit dans lequel le Parlement l’a conçu. Mais non, la loi c’est peu de chose. Le mi nistre a bien pris des engagements, mais l’Administration va corriger ce que la loi peut avoir d'humain par un décret qui la fera conforme à ses désirs. La Chambre a manifesté sa volonté, mais l’Administration va lui faire voir ce que pèse cette volonté 1 Et alors voici ce qui arrive : Vous avez droit à 50 pommiers, par ex emple, ou 40 poiriers, ou 70 cerisiers, ou 80 pruniers, vous pouvez donc bouillir dans cette limite ou vos pommes, ou vos poires, ou vos cerises, ou vos prunes, mais si vous vous avisez de distiller en même temps plu sieurs de ces différents produits, halte-là, le décret dit : ceci ou celà et non pas ceci et cela, l’art. 24 ne vous est plus applicable. Voilà donc déjà bon nombre ae récoltants que vous excluez du bénéfice d’une loi faite pour eux. Mais il y a autre chose encore. La loi disait : nombre d'arbres en rapport normal. Un homme de bonne foi peut éta blir facilement la signification à peu près exacte de ce mot : normal. Mais allez voir si le décret est de bonne foi ! Tout arbre, quelque soit son âge doit être considéré, au point de vue de ses facultés productives, comme étant en état de rapport normal. Et voilà ! Avec cela s’il reste encore des bouilleurs pour profiter de l’art. 24 ce sera miracle. En résumé, la loi a voulu établir le droit du petit récoltant, mais le décréta presque supprimé le petit récoltant. La loi a formulé l’art. 24, mais le décret l’a rendu sans ob jet. Il convient, monsieur le ministre, que vous fassiez respecter la volonté du Parlement. La loi interprétée avec bienveillance peut à la rigueur se défendre et peut même se justifier. Le décret semble avoir résumé tout ce qu elle peut avoir d’inique au détriment de ce que nous avons voulu y mettre de to lérance et de justice. Je comprends à merveille que le Trésor s’accommode des recettes sans vouloir con naître si elles ne sont pas prélevées sur la misère ; je ne comprends plus par exemple...
À propos
Fondé en 1881, Le Petit Troyen s'est d'abord défini comme un petit quotidien républicain radical. Son propriétaire, l'homme politique Gaston Arbouin, assume la direction politique de la feuille jusqu'à sa mort en 1907. Favorable au régime de Vichy, le journal sera interdit en 1944.
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