Extrait du journal
M. Camilo Pelletan, rédacteur en chef do la Justice, trace ce saisissant portrait de M. Boulanger à la tri bune : Il était debout à la tribune, lorgné, savam ment préparé à l’intention des lorgnettes. L’arrangement des cheveux aussi travaillé que le manifeste, était assurément plus réussi. Si j’étais M. Boulanger, à l’avenir, je ferais écrire mes discours par mon coif feur, et disposer ma chevelure par M. Naquet : ce second point étant le moins im portant en politique. Toute la journée était dans la cravate : une éclosion de soie vio lette, étalée comme un bouquet, dans un désordre dont chaque détail avait dû coûter des nuits de méditation, sur la redingote boutonnée jusqu’en haut et calculée pour faire valoir la barbe blonde. On sait que le secret du règne est dans la barbe. A celte toilette il fallait quelque chose : un sourire assorti. Le sourire y était obstiné, comme figé ; immobile, à travers tous les orages : à la fin reniant l’expression lassée, navrée ou furieuse du reste de la figure : un de ces sourires que l’on met comme préface aux fondants, sur les couvercles de confiserie ; un sourire d’homme professionnellement aimable ; qui jurant avec le lieu de la scène, commentant de sa grimace forcée, de sa fade satisfaction, les « je » et les « moi » du discours, produisait à la longue, un irrésistible effet de répugnance et d’aga cement. Le regard semblait promener sur l’assistance cette minauderie des lèvres. Les vers de Hugo revenaient en mémoire : <•... D’ubo figure «le cire, Il a le .-ouiire tournant ». Telle fut la part personnelle de M. Bou langer dans ce que nous avons vu hier. On cherchait l’homme : on ne trouvait que le chromo. Il avait sa figure sur les épaules, sa toilette sur le corps et son manuscrit à la main. Hors de cela, néant. Les objections, les attaques, les tempêtes faisaient rage autour de lui. Tout cela s’enfonçait sur ce joli buste, comme sur je ne sais quoi de mou et d’inerte. Pas une étincelle, pas un mot où l’on retrouvât, je ne dis pas le sol dat, mais l’être de chair et d’os, qui pense et qui sent. Il lisait son manuscrit, il éta lait son sourire entre sa coiffure et sa cra vate ; interrompu, mis en présence de son passé, il suspendait, puis reprenait la lec ture des pensées qu’on lui avait fournies, sans trouver un mot, une syllabe, n’importe quoi qui indiquât quelque chose sous la coiffure. Rien ne vibrait, rien ne jaillissait, dans cette figure qui tâchait de rappeler ses portraits. Par instants, dans le fort des huées, obligé de s’arrêter, il faisait un grand geste... il croisait superbement les bras... d’un mouvement si précis, qu’il frisait sa cravate, à un millimètre près, sans la déranger. Puis il restait immobile, posant, pour quels regards ? A un moment, il fut si bizarre, quetoute la salle se retourna pour chercher, dans les galeries, l’objectif du...
À propos
Le Progrès de la Côte-d'Or était un journal républicain radical basé à Dijon, fondé en 1869 par l'homme politique Joseph Magnin, conseiller municipal de Dijon puis membre éminent du gouvernement de la Défense nationale et enfin sénateur innamovible. Grand titre de presse régional, il cessera finalement de paraître à la Libération, en 1944 comme la plupart des journaux ayant continué de paraître sous l'Occupation.
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