Extrait du journal

qui me le versera, car à cette heure tu seras déjà loin. Un soupir que celte pensée de la sépara tion fait monter de son cœur, se perd dans la tasse fumante qu’il porte à ses lèvres. Mais réagissant aussitôt contre cet instant de faiblesse, U s’en prend à l’air mélanco lique de son jeune compagnon, et avec un rire forcé ; — Mon Dieu, comme tu es triste, reprendil; ah ça! voyons, tu ne vas pleurer, je pense? — Ce n’est pas l’envie qui m'en manque, répond le jeune officier. Faisant faire demi-tour à la chaise pour se rapprocher, le jeune homme ajoute, en posant ses mains jointes sur l’épaule du vieillard : — Eh bien! oui, on a le cœur gros d’être obligé de quitter son bon père Malouët pour longtemps, bien longtemps. L’ancien marin buvait ces paroles, qui le récompensaient de tout ce qu'il avait fait pour l’enfant sauvé par lui, pauvre orphe lin dont il avait pria soin, qu’il avait adopté et qu’it aimait comme s’il eût été son fils. — Le devoir avant tout, mon garçon, ré pondit-il; je te l’ai dit et répété souvent, on doit tout Son amour à la patrie, et, quand on a l’honneur de porter l’épée, on lui doit son sang. Voilà, Pierre, et maintenant ne laisse pas refroidir ton café. De retour en France, après le naufrage du Dauphin, Malouët s’était entièrement çon-...