Extrait du journal

attire les badauds, en criant dans un porte-voix. Furieuse image de la foire, ce clown criant le nom de l’artiste aux foules par-dessus la frénétique antienne des orgues de barbarie et des cornets à piston. Ils allaient, ces déclassés, le menton glabre — « m'as-tu vu?» lamentables et ridicules — racontant leurs triomphes avant que ne se fût rompue la corde vocale qui vibrait à l'unisson de leur génie ! Et j’en ai connu de ces vieilles chanteuses légères, devenues énormes, et de ces fortes chanteuses devenues bien faibles et très maigres ! Chaque fuis, en les voyant, une pitié m'est venue. Toutes ou à peu près ont aimé l’art pour l'art, passionnément, dédaignant tout de la vie, hormis les applaudissements du public et la griserie du succès, comme a fait cette comédienne du Gymnase qui vient do rompre avec un mari millionnaire pour demeurer au théâtre. tandis que les peintres ont pignon sur rue et tandis que les auteurs dramatiques marchandent avec le goût du jour, eux seuls, les comédiens et les chanteurs, aiment assez la gloire pour lui sacrifier les réguliers plaisirs et la calme assurance de la vie bourgeoise. Et, pourtoit, du jour au lendemain, ils peuvent se trouver anéantis, comme l'a été Cornélie Falcon, brisés par un courant d’air passé entre deux portants de coulisses !...