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Le Siècle, 3 août 1849

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Le Siècle
3 août 1849


Extrait du journal

reppntir aux factions,socialistes. Que voulez-vous qu'elle répond» au peuple, qui la couvrira de reproches et de sarcasmes, et qui lut dira, le sourire du mépris sur les lèvres : Armée liberticide ! ar mée des ombres ! armée napoléonienne sans Napoléon! En six mois, votre armée si intègre, si justement fière d'être l'ar mée de la lihprté et de, la société, si patriotique et si obéissante sera démoralisée par le coup d'Etat qu'elle aura fait ! '' Et la majorité? Croyez-vous qu'elle soit h vous? Non, elle est à elle-même, à ses opinions, à ses préférences diverses, à ses inté rêts, à ses souvenirs, à l'ordre, à la patrie surtout. Elle vous ten tera, je le suppose sans le croire, mais enfin-elle vous tentera, si vous le voulez, par la perspective d'une restauration semi-monar chique, parce qu'il faut bien que quelqu'un se déchire la maia en cassant la glace de la république ; mais une fois la glace cassée et la république renversée par votre main, elle vous dira ce qu'elle a dit à tant d'autres : Nous n'avons plus besoin de vous ; voias êtes un mannequin monarchique, retirez-vous et faites place à la véri table monarchie! « Mais, me disent certains hommes d'Etat de la majorité, hom» mes de beaucoup de ressentiment et de peu de mémoire, s'il est » si difficile et si dangereux de sortir de la république, pourquoi » donc nous avez-vous jetés dans la_république? » Je pourrais leur répondre que c'est précisément parce que j'ai » été plus homme d'Etat qu'eux une heure de ma vie, et que voyant » le trône renversé à nos pieds, et ayant un sentiment prompt, » juste, prophétique et vrai des énormes difficultés d'asseoir désor» mais un trône solide quelconque sur la lave brûlanle et mobile » d'une démocratie victorieuse, j'ai eu l'instinct aussi du moment » comme la France, et j'ai dit : Précipitons hardiment, pour son » salut, la soeiété dans la république ! Sauvons la famille et la pro» priëté par la main de tous ! Réfugions la France dans la liberté! » Vous voyez aujourd'hui si nous avons eu tort; et vous le ver» rez bien mieux et bien plus cruellement si vous faites vos deux y>. ou trois tentatives de restauration échelonnées; échelonnées » d'un Bonaparte à un d'Orléans, d'un d'Orléans à une régence, » d'une, régence à un Bourbon, à un Bourbon innocent, que je » plains, que je respecte, et dent j'ai vu et béni le berceau dans » ma jeunesse, à qui je voudrais rendre une patrie comme à tous » les exilés, mais que je n'appelle pas à ce trône qui dévorerait v quatre dynasties en quatre ans, en dévorant aussi la patrie elle» même ! » Mais je réponds, de plus, à ces hommes qui intervertissent au jourd'hui si hardiment tous les rôles, parce qu'ils ont d@s mains pour battre à toutes les audaces de réaction dans leurs journaux et a la tribune : Si la révolution est un crime, est-ce vous ou est-ce nous qui l'avons laite? Est-ce nous qui avons sapé, dans des cons pirations dont nous pouvons vous rappeler le lieu, le jour et l'heure, par vos propres bouches, les bases de la monarchie de la branche aînée avant les ordonnances de juillet? Est-ce nous qui avons jeté à la porte de Paris, dans la personne du duc de Bordeaux et de sa mère, ce vieux droit monarchique que vous sanctifiez aujourd'hui de vos larmes? Est-ce nous qui avons été chercher un prince en réserve dans son palais et dans ses jardins, auprès de Paris, pour dire à sa sœur : « Qu'il vienne, un trône est vacant, qu'il se glisse » entre une veuve et un enfant qui se sauve et la République; » l'usurpation est notre légitimité, à nous? » Est-ce nous qui avons dévoré ce règne, selon la sinistre expression de Tacite ? Est-ce nous qui l'avons laissé se consolider sans objection par des mesures que je ne veux pas rappeler et qu'Auguste, peu scrupùleux en matière de règne, craignait de prendre envers une prin cesse de sa maison? Est-ce nous qui avons souffert en silence qu'on fît de la captivité d'une femme un instrument de règne ? Est-ce nous qui, après avoir affermi ce règne, l'avons ébranlé, saccadé, déraciné à coups de joursiaux et de discours? Est-co nous qui avons fait, de 1837 à 1840, cette coalition contre la couronne avec tous les ennemis de la monarchie, et qui avons dit à celui que nous avions laissé au trône : « Tu seras le captif couronné de notre parti, ou tu ne seras pas roi? » Est-ce nous qui, après avoir recon quis l'empire, avons ébranlé la paix du monde, en 1840, renoué - une coalition universelle contre notre pays, et replié ensuite le drapeau étonné de la France depuis Içs côtes de Syrie et d'Egypte...

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

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