Extrait du journal

en route lentement. Les deux jeunes gens, qui avaient pris insensiblement un peu d'avance sur l'autre groupe, allaient côte à côte, se sentant l'un et l'autre gênés de ce tête-à-tête fortuit. Afin de se donner une contenance, Etienne avaitroulé une cigarette et usait toutes ses allumettes pour l'allumer en marchant. Plus d'une fois il avait été tenté d'offrir son bras à Mariette, mais il n'avait pas osé. Tous les deux trouvaient ce silence prolongé bien lourd, et ce fut elle qui le rompit. Elle de manda tout à coup : — Vous nous avez sans doute bien mal ju gées, monsieur Normand, en nous voyant, l'autre dimanche, faire notre vacarme ? Il répondit : — Bien sûr que non, mademoiselle ; j'étais prévenu par Mme Rougé ; nous avions parlé de vous la veille. — Ah I Et qu'aviez-vous dit de moi ? — Nous ne pouvions guère en dire du mal. — Vraiment 1 Mme Rougé n'a pas de grief contre nous ? — Aucun. — C'est une bien bonne , femme que Mme Rougé, n'est-ce pas ? Et puis, elle sait bien aussi que si nous mettons tout sens dessus dessous chez elle, ce n'est pas pour lui faire du chagrin. Nous sommes comme ça un peu turbulentes, mais au fond nous n'avons pas pour deux liards de méchanceté. ' — Je le pense aussi, mademoiselle Ma riette ; vous n'avez pas, vous surtout, l'air bien méchant. — Moi comme les autres, répliqua-t-elle en rougissant de ce compliment. Pour changer la conversation, elle de manda : — Est-ce que vous êtes à Salles pour y res ter toujours? — Ça me serait bien impossible de vous ré pondre, mademoiselle. Vous savez, quand on est, comme moi, sans attache profonde dan^ un pays, ça peut faire plaisir d'y revenir voir les anciennes connaissances, mais ça ne coûte pas beaucoup d'en repartir. — Pourquoi dites-vous que vous n'avez pas d'attache ici? Vous n aimez donc pas le père et la mère Rougé?...