Extrait du journal

BEAU PARIS, BON PARISIEN 1 Paris procède activement à sa toilette pour re cevoir les visiteurs qui vont accourir en foule dès les premiers jours de mai. Les provinciaux et les étrangers ne se doutent pas du mal qu'on se donne pour qu'ils soient enchantés de l'accueil qui leur est réservé et du séjour qu'ils feront sur les bords de la Seine. Ce ne sont que rues cou pées de larges tranchées, boulevards sillonnés de canaux ouverts, échafaudages suspendus à la fa çade des maisons .dont on gratte la pierre noircie, échelles dressées à l'effet de rafraîchir les écriteaux. Le Parisien ne sait plus où donner de la tête. Hors de chez lui il rencontre à chaque pas des trous béants, des barrières qui l'obligent à faire un détour, des peintres qui le barbouillent, des maçons qui le blanchissent et des cochers qui l'éclaboussent. Il accepte gaiement ce tohu-bohu, ayant la coquetterie de sa ville et l'ambition d'ar racher aux étrangers cet aveu qu'aucune capitale n'est capable d'offrir un séjour plus agréable. Il tient essentiellement a" ce que Paris éblouisse et charme les visiteurs que l'Exposition va attirer de toutes les parties du monde. Tant pis si sa tran quillité en souffre et si sa bourse en pâtît ! Il en prend son parti sans rechigner. Que Paris soit beau, c'est l'essentiel. Aussi tout le monde est en l'air : on lave, on gratte, on peint, on vernit, on fait des trous, on pose des tuyaux. Il faut être prêt à la date fixée. Les arbres eux-mêmes se piquent d'amour-propre: on les voit se dépêcher de pous ser de gros boutons qui, demain, éclateront; çà et 1à déjà des feuilles d'un vert tendre se sont ouvertes. La tour Eiffel a arboré son drapeau tri colore comme pour avertir les Parisiens qu'il n'y avait plus de temps à perdre. La culture maraî chère en a éprouvé, dans la banlieue, une com motion profonde: les petits pois, asperges, hari cots verts, artichauts, ont juré "d'être prêts pour figurer sur la table des restaurants; on les payera cher, et les étrangers trouveront peut-être les as perges d'Argenteuil salées, mais d'est un détail sans importance, puisqu'il est convenu que les étrangers viennent à Paris pour dépenser l'argent dont ils ne sauraient que faire dans leur pays....