PRÉCÉDENT

Le Siècle, 10 mars 1848

SUIVANT

URL invalide

Le Siècle
10 mars 1848


Extrait du journal

nêtes gens,' ce qui dépendait de nous pour le ramener dans des voies de modération, de boa sens, de probité, de patrio tisme, et pour le préserver de sa ruine ; il ne nous a pas crus, il s'est séparé de nous, il nous a repoussés, calomniés, insul tés, et, selon nos prévisions, même avant le terme que nous avions marqué, il a péri. Cette chute, dès le premier jour, nous a paru méritée et dé finitive. Nous avons dit, parce que nous le pensions, nous ré pétons encore, parce que nous en sommes profondément convaincus, que la monarchie n'offrant plus à la nation au cun gage de stabilité, et le retour à cette forme de gouverne ment ne pouvant s'opérer sans un déchirement de la France, il y aurait folie à tourner ses espérances de ee côté. La raison, l'intérêt public, le devoir, commandent, selon nous, de se rallier au gouvernement établi, le seul possible, par consé quent le seM légitime, comme nous l'écrivions il y a quel ques jours. Après cette déclaration loyale et réfléchie, nous nous croyons en droit d'avertir le gouvernement nouveau que le concours des bons citoyens, offert avec plus ou moins d'em pressement et de spontanéité, mais offert de toutes parts, ne saurait être sans conditions. Pour qu'il soit persévérant et efficace, il faut que les garanties qui ont manqué à la France sous les régimes divers qu'elle a traversés ne lui manquent pas sous la République; il faut que les promesses d'égalité, de liberté et de fraternité ne soient pas de vains mots écrits sur le frontispice des actes publics, sur les monumens ou sur les bannières, et ne couvrant en réalité que le despotisme de quelques uns, le règne delà force ou des passions haineuses ; il ne faut pas que la violence succède à la corruption, que la peur soit considérée comme un des ressorts du gouverne ment républicain, que la propriété devienne un titre d'exclu sion, que l'intelligence soit suspecte et proscrite. — Rien de tout cela n'est à craindre, dira-t-on. Non, cela n'est pas à craindre; le gouvernement n'a manifesté jusqu'ici que des intentions conciliantes ; la plupart de ses actes sont sages ou rassurans, tous annoncent la volonté de marcher d'accord avec le pays, et le pays, à coup sûr, ne se laisserait pas imposer la loi par quelques meneurs qui rêveraient, de nos jours, les violences du passé. Mais pour écarter l'apparence même du danger et pour prévenir des divisions, des malen tendus regrettables avant qu'ils aient éclaté, il importe de ne pas différer des avertissemens dont l'opportunité, selon nous, se fait sentir. — Le gouvernement provisoire, ou du moins une partie de ce gouvernement, paraît livrée surtout à une préoccupation : le calme des populations sur un grand nom bre de points, leur indifférence apparente ou leur froideur sur quelques autres, lui fait penser que la République, pour être en sûreté, a besoin d'être partout administrée, conduite, représentée par des hommes d'une opinion très ardente. Comme les républicains anciens, éprouvés, et en même temps inspirant par leur notabilité une juste confiance, pouvaient se compter avant la révolution du 1k février, ils ne suffisent pas à la tâche laborieuse qu'ils ont entreprise. Pour se fortifier, pour se multiplier, ils sont obligés d'enrôler beaucoup de re crues, et les nouveaux venus n'ayant pas toujours des états de service parfaitement en règle, tâchent d'y suppléer par l'exagération de leurs principes improvisés. Le nouveau gouvernement, pour vouloir être exclusif, tombe donc dans l'un des excès qu'il a reprochés à la mo narchie ; il tient plus de compte du zèle, de l'exaltation vraie ou factice des idées que du mérite réel ; il cherche des garan ties de sécurité là où elles ne sont pas, et en laissant les es prits dans l'inquiétude, en se séparant des opinions modérées, il ne s'aperçoit pas que le pouvoir nouveau, dans un tel iso lement, ne trouvera pas une base assez large pour s'y asseoir avec une complète sécurité. Ces réflexions nous sont inspirées surtout par les résolu tions qu'annonce le National, dont nous avons eu souvent à louer la modération, et qui exerce sur les esprits une autorité acquise par de longs services. Ce journal, faisant nettement...

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

En savoir plus
Données de classification
  • agnan
  • etranger
  • artagnan
  • france
  • paris
  • nantes
  • perche
  • colbert
  • gela
  • la république