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Le Siècle, 12 juin 1840

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Le Siècle
12 juin 1840


Extrait du journal

Si l'on veut des compagnies sérieuses, il faut au moins leur donner la perspective d'un revenu suffisant pour couvrir les intérêts et l'amortisse ment du capital engagé. Or ce revenu sera difficilement obtenu avec des tarifs trop bas. Dans son excellent ouvrage sur les chemins de fer anglais, M. Bineau, ingénieur des mines, propose de porter le maximum légal à quinze centimes par kilomètre. M. Duvergier de Hauranne recommande avec raison cette disposition comme fondamentale. Les compagnies devraient avoir latitude entière pour la distribution des places. On sait que la vitesse du trajet augmen te de beaucoup les frais de traction. Il serait utile, comme cela se prati que déjà sur le chemin de Londres à Southampton, de disposer des con vois de prix diiférens, suivant le degré de célérité obtenu, afin de rendre les voies nouvelles accessibles à toutes les bourses. Pour les voyageurs pauvres, on pourrait joindre des wagons aux trains de marchandises, qui iront encore plus vite que les malles-postes sur les routes de terre. L'honorable député du Cher ne repoussa en principe aucun des modes. de concours de l'état qui ont, été proposés. Chacun d'eux lui paraît bon dans certaines mesures et dans certaines circonstances. La garantie du minimum d'intérêt convient parfaitement aux petits capitaux, qui se préoccupent plus de la pensée d'éviter une perte que do conquérir un fort bénéfice. Les capitaux plus hardis trouveront plus d'avantage au prêt fait dans de bonnes conditions, car celui-ci, au lieu de se borner à garantir contre un échec, ouvre unè marge plus large aux produits et augmente les bénéfices. Il faut donc, dit-il, calculer le remède suivant la nature du mal et sur tout bien se garder de faire encore une loi simplement sur le papier, ce qui arriverait nécessairement si l'on se bornait à des préférences théori ques pour tel ou tel système au lieu d'examiner et de peser l'exigence des faits. Plus M. Duvergier de Hauranne a examiné la garantie' d'intérêt et plus il a trouvé d'avantage à çc mode de secours, qui convient si tiieii à nos fortunes démocratiques, disséminées, morcelées, n'ayant foi qu'au sol ou aux effets publics. En outre la garantie ne compromet point les ressources présentes du trésor. Elle rend l'avenir seul responsable des travaux, qui doivent profiter à l'avenir. Ce n'est pas que nous soyons effrayés du préendu déficit du budget ; les recettes ordinaires couvrent les dépenses ordinaires, et quant aux frais extraordinaires qu'entraînent des travaux productifs, nous ne saurions les considérer comme une simple dépense. M. le ministre des travaux publics, autrefois partisan de l'exécution des chemins de fer par l'état, s'est rallié au système des compagnies. Nous sommes convaincus, d'après ses loyales déclarations, que l'administra tion actuelle est disposée à les aider de bonne foi pour qu'elles exécutent la plus grande masse de travaux possible. M. Jaubert regarde tous les moyens se secours comme bons, peurvu qu'ils mènent au but; cet éclec tisme est également l'expression de la pensée de la commission. L'honorable M. Gustave de Beauniont, qui a débuté aujourd'hui avec succès à la tribune, s'est particulièrement attaché à combattre, comme inutile et comme dangereuse, l'uniformité du système dans le concours de l'état, il craint qu'elle ne crée un fùcheux précédent. Nous avons admis la solution proposée par la commission, comme un expédient provisoire, nous n'admettrions pas si facilement comme un système définitif, celui de n'en avoir aucun. Nos convictions sont depuis long-temps formées à cet égard; fa garantie d'intérêt nous semble le mode le moins onéreux pour l'état, comme la plus efficace pour aglomérer les petits capitaux. Avec la garantie, le but principal du pays, la construction du chemin, est toujours atteint, car le gouvernement ne s'oblige à rien tant que le rail-way n'est pas entièrement livré à la circulation. Les charges, s'il y en a, naissent seulement alors que les bénéfices des voies nouvelles les compensent largement. Au cas le plus fâcheux, qui n'arrivera jamais, au cas où toute l'obligation du trésor serait constamment appelée à réalisa tion, le pays serait doté de chemins de fer au moyen d'un véritable em prunt contracté au pair, à 5 0[0. Ce n'est point là une éventualité si re doutable. L'intérêt garanti à ce taux est suffisant pour rassurer l'indus trie privée, non pour endormir son activité, et la marge des pertes possi bles est encore assez grande pour que les rentiers méticuleux n'abandon nent pas leurs inscriptions du grand-livre. L'honorable rapporteur de la commission l'a hautement proclamé; il s'agit d'obvier à des embarras transitoires et non pas de régler un état...

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Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

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