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Le Siècle, 13 juin 1840

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Le Siècle
13 juin 1840


Extrait du journal

mestre au cliàtéau, n'avait osé en franchir le seuil dépuis qu'il s'était jeté dans le parti révolutionnaire, et la jeune fille, quoique douée d'un ca ractère gai, expansif et éminemment social, était arrivée à l'âge de vingtdeux ans sans savoir ce que c'était que le monde dans lequel elle était faite pour briller. Aussi fût-ce pour elle une époque de bonheur et de triomphe que celle où une partie de cette foule bruyante échappée aux salons du faubourg Saint-Germain et de Versailles vint animer la soli tude où elle était née. Oubliant les malheurs de la patrie, sans songer aux circonstances funestes qui avaient amené dans ce vieil édifice, au fond de la Vendée, tous ces malheureux restes d'une caste proscrite et per sécutée, l'insouciante jeune fille n'osait en vouloir à cette révolution qui avait fait un séjour de plaisirs, d'enthousiasme et de bruit d'une habita tion silencieuse où sa vie s'était écoulée jusque 1-à si monotone et si triste. Cependant, quelques mois avant le moment où commence cette histoire, cette phase brillante du château et de la famille de la Fougeraie semblait avoir cessé tout-à-fait. Sans qu'on en connut la véritable cause le vieux manoir était redevenu tout à coup plus solitaire que jamais ; plus dé nobles et nombreux visiteurs chantant des airs royalistes le soir sur la terrasse du château; plus de distributions de cocardes blanches, descapulaires et de bouteilles d'eau de vie aux paysans du village.Lemarquis et sa fille ne sortaient plus et ne se montraient pas même le dimanche àla mess® que disait furtivement, au coin d'un bois, un prêtre proscrit. Amélie,n'al lait plus comme autrefois visiter les malades dans les chaumières voisines et porter des secours aux malheureux ruinés par la guerre. Quand les pay sans parvenaient à l'entrevoir à sa fenêtre, elle était toujours de plus en plus pâle, comme si elle était en proie à quelque douloureuse maladie; ses yeux étaient cernés, rouges de larmes; une maigreur effrayante avait rem placé sa fraîcheur d'autrefois. * . • La conduite du ci-devant marquis n'était pas moins étrange. Les seu les personnes qui pussent pénétrer au château étaient quelques chefs de partisans qui relevaient immédiatement de lui et venaient apporter des nouvelles et demander des ordres. Il est vrai que l'arrivée de Lechelleà l'armée de la république dans la Vrndée venait de donner à la guerre une activité nouvelle et que le parti royaliste n'avait pas trop de tous ses défenseurs pour faire face au dangar, qui devenait chaque jour plus pressant. Cependant c'eût été peut-être un motif de plus pour M. de la Fougeraie de commencer ces diversions hardies qui lui avaient donné une certaine importance dans la pays. Mata il semblait frappé d'impuis sance et d'indifférence depuis l'époque dont nous parlons. Il était devenu presque invisible ; quelquefois seulement on le voyait rôder le soir autour du château, son fusil double sous le bras, regardant avec défiance tous ceux qu'il rencontrait, ne répondant à aucun des saluts qu'il recevait. Ses traits, comme ceux de sa fille, semblaient avoir été bouleversés par la ma-....

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

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