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Le Siècle, 14 janvier 1893

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Le Siècle
14 janvier 1893


Extrait du journal

Les événements politiques se suivent et se ressemblent. Un ministère s'en va et on s'aperçoit que c'est toujours le même qui se maintient au pouvoir. Ce ne sont pas seulement les mêmes personnes qui restent, c'est le même système qui pré vaut. Le procédé politique en honneur,de puis quelque temps,c'est le débarquement, Il n'est plus question de savoir quelle est l'orientation politique qui doit être suivie, quelles réformes le ministère doit pour suivre, quelle direction il doit imprimer à la marche générale des affaires. Les dé libérations du conseil des ministres pa raissent avoir pour unique objet de savoir quel est le collègue dont le concours pa raissait la veille indispensable et qu'il faut sacrifier à la grande conception politique du débarquement. A en juger par le suc cès d'application qu'elle obtient, cette po litique semble devoir produire les plus heureux résultats et arriver à mettre un terme aux difficultés de l'heure présente. Nous craignons que ces changements de décor ne réalisènt pas toutes les espéran ces qu'ils ont fait concevoir. On parle beaucoup de l'affolement du pays, de l'impression profonde causée jus que dans les coins les plus reculés par lés scandales du Panama. II y a une part de vérité dans cette appréciation, mais encore plus d'exagération. Une question dans la quelle tant d'intérêts étaient engagés et où le principal apport dans les capitaux di lapidés était fourni par les petites bourses, ne pouvait laisser la masse du public in différente. Mais les porteurs de titres n'ont pas été longtemps à s'apercevoir que la campagne qui se poursuit n'a rien de com mun avec la défense de leurs intérêts. Comme l'a dit M. Casimir-Perier en pre nant place au fauteuil de la présidence, le suffrage universel a plus de sang-froid et est plus équitable dans ses appréciations que les meneurs politiques. La grande majorité de la nation a l'habitude de ré fléchir avant de juger. Elle n'est pas long temps dupe de ceux qui exploitent le scan dale. Nous croyons, pour notre part, que le parti républicain est beaucoup plus préoc cupé de faire face à l'ennemi commun que de se laisser aller àla remorque des calom niateurs. Il sait que la justice est saisie ; il peut regretter que vis-à-vis de quelquesuns, elle l'ait été avec une pareille légè reté, mais il compte que la lumière se fera. Les partis hostiles à la République n'ont pas suffisamment dissimulé leur joie et leurs espérances lorsqu'ils ont pensé pou voir exploiter à leur profit l'émotion pro duite par les affaires du Panama. Les ré publicains ont vu immédiatement ce qui se cachait derrière la campagne poursuivie. Ils ont compris qu'en cherchant à déconsi dérer les personnes, c'était le régime qu'on voulait discréditer. L'opinion publique est prête à se res saisir, à revenir des émotions de la pre mière heure, mais encore faut-il que l'exemple et la direction viennent d'en haut. C'est au gouvernement qu'incombe cette tâche. Mais pour être suivi, il faut d'abord être compris. La politique du dé barquement risque fort de ne pas instruire suffisamment 1 opinion publique des in tentions ultérieures du ministère. On trouble le public plus qu'on ne l'éclairé, à un moment où il faudrait qu'on crût à une volonté énergique, qu'on sentît se dessiner une orientation politique très ferme. Les changements de personnes et les modifications dans la distribution des portefeuilles, quels qu'en aient pu être les motifs que nous n'avons pas à apprécier, ne suffisent pas à nous rassurer. C'est donc à ses actes que nous aurons à juger le cabinet reconstitué. Son premier devoir sera à coup sûr de peser de toute son au torité sur les Chambres, pour qu'on re vienne à l'examen des questions qu'une agitation stérile a laissées en souffrance. A l'heure actuelle, les affaires sérieuses sont en retard, et la parole reste aux agi tés. Il est plus que jamais nécessaire de réagir au nom des plus graves intérêts du pays. Adrien Bastid....

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

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