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Le Siècle, 20 avril 1889

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Le Siècle
20 avril 1889


Extrait du journal

1} n'y a qu'une voix pour féliciter le jury de la (Gironde du verdict qu'il a rendu dans l'af faire Numa Gilly. C'est un véritable soulage ment pour les honnêtes gens, pour tous ceux qui veulent une presse libre, mais honorée. Six mois de prison pour le principal auteur de la campagne de calomnies entreprise con tre les serviteurs les plus dévoués de la Ré publique; trois mois, deux mois et quinze jours d'emprisonnement pour les collabora teurs et complices ; une forte amende pour les uns et les autres. La leçon est sévère; personne qui la juge excessive et qui ne la trouve juste. • L'opinion publique se soulève enfin contre les malfaiteurs de la presse et du livre ; elle manifeste hautement le dégoût que lui inspi rent ces prétendus justiciers qui ramassent à, droite et à gauche, dans les couloirs de la Chambre et dans les loges des portiers, les infamies colportées par la haine et grossies par la mauvaise foi. C'est au nom de la « République honnête » que ces Catons salissent leurs concitoyens. Quand les hohnêtes gens visés par eux deman dent des preuves,les justiciers déclarent qu'ils parleront devant la cour d'assises. Quand on les appelle devant le jury, ils cherchent à se dérober par des ruses de procureur, et lorsque enfin on les a traînés devant les juges, au lieu de fournir des preuves, ils balbutient des excuses ; leur fierté devient de la pleu trerie, ils s'effondrent quand il faudrait se dresser. Ils apparaissent ce qu'ils sont : de lâches calomniateurs. Il est vrai que la calomnie a eu le temps de faire son chemin; tous les journaux de France et de l'étranger l'ont répétée. C'est en septem bre de l'année dernière que le tonnelier de Nîmes a lancé sa phrase fameuse contre les vingt'prévaricateurs de la commission du budget. Huit mois durant les accusations de cet imbécile ont couru le monde ; les coquins les ont répétées. Qui dira le mal qu'elles ont fait ? Une réaction contre cet état de choses était inévitable. Chacun a compris qu'une presse faisant de la calomnie métier ët marchandise était un agent de dénonciation publique, une menace pour tous, un instrument de guerre civile. A Vesoul, à Paris, à Bordeaux le jury s'est montré sans pitié! C'est un excellent symptôme dont les calomniateurs feront" sans doute leur profit. Quand ils seront cer tains que la prison et l'amende sont au bout de leurs mensonges, ils étonneront le monde par leur prudence. ^ Mais il faut, pour en venir là, que les ci toyens accusés par les industriels de la presse n'hésitent pas à déférer à la justice les ou trages déversés contre eux. Il faut surtout nous défaire de cette idéeradicalement fausse que la calomnie retombe en fin de compte sur le calomniateur. Oui, sans ^doute le ca lomniateur peut être parfois confondu, mais il l'est le plus souvent trop tard, c'est-à-dire quand ses venimeuses imputations ont causé tout le mal qu'il en espérait. Est-ce que l'histoire contemporaine n'est pas fertile en leçons sur ce chapitre? Y eut-il jamais, en aucun temps et dans aucun pays, des hommes publics plus honnêtes que les républicains de 1848 ? La réaction les abreuva de calomnies, et plus les mensonges inventés pour les dé considérer étaient grossiers et ineptes, plus ils frappaient l'imagination des masses igno rantes. C'est un jeu dangereux pour les citoyens et pour les gouvernements de dédaigner la ca lomnie. Il faut la poursuivre et l'écraser. Il se moque bien de vos dédains et de vos mé pris, le calomniateur! Qu'est-ce que cela peut faire, à un malhonnête homme, le mépris des honnêtes gens? Atteignez-le dans sa bourse et dans sa liberté; il ne craint que les amendes et la prison, surtout les amendes. Voyez avec quelle désinvolture le. tonnelier de Nîmes a désavoué la paternité de son livre quand il s'est aperçu qu'au lieu de toucher des droits d'auteur il aurait à payer des dommages-intérets. Les autres feront de même à l'occasion,...

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

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