Extrait du journal

clamation d'un avocat de l'époque actuelle. Il a ôté de Racine Aristophane, et il croit avoir fait merveille. Hélas f il est probablement impossible aujourd'hui, pour M. Got, de re venir sur tout cela. M. Got doit être réservé à tout jamais pour l'actualité, où il fera encore des prodiges. Notez que ce classique déterminé a l'esprit fort large. Personne n'a mieux parlé de Regnard parmi ceux qui savent tout le prix de Molière : « L'auteur du Légataire universel est un des plus parfaits poètes de la France, il est de la grande époque par la propriété de l'expression, par la franchise, la verdeur, l'harmonie, par sa manière forte et pure d'être ce qu'il est. De la parade rudimentaire, il a composé un poème digne des conseils... Si vous voulez bien jouir du Légataire, qui que vous soyez, commencez par exterminer du fond de vous-même toute idée du sérieux dè la vie; laissez à la maison les soucis et les soins ; faites-vous avant de venir à la Comédie une âme légère, un esprit sans subtilité et sans calcul, une imagination sans noirceur ; soyez l'enfant devant Polichinelle. » On ne saurait mieux dire. De même, J.-J. Weiss parle du Mariage de Figaro avec une admi ration qui n'exclut pas le sens critique : « Comme un arbre vigoureux qui projette ses racines jusqu'aux couches les plus anciennes et les plus profondes du sol, qui pousse sous le ciel ses rameaux touffus, noueux et verts dans toutes les directions, qui livre des germes ! à tous les vents, le Mariage de Figaro plonge dans l'extrême passé de la comédie nationale, et fourche en tous sens, et se déploie sur son avenir. Cependant tout n'en est plus jeune et sain : « 11 faut convenir que ce bel arbre, ruisselant de verdure, de lumière,de rosée, de chants d'oiseaux, d'essaims bourdonnants et multicolores, présente à notre vue des paquets de feuilles déjà jaunies, des tiges desséchées, des branches mortes. » Et ce sens critique,il s'exerce sur le théâtre de Victor Hugo avec une sorte de violence qui rappelle l'âpreté du commentaire de Tartufe et de l'A»are cité plus haut; le feuilletoniste est dur, très dur, non pour la forme i'Bernani où il reconnaît « un tempérament de poète et un tempérament d'homme qui tien nent par leurs racines à la plus profonde his toire de ce siècle », mais pour le drame qu'il trouve languissant, pour les trois coups de canon de l'avant-dernier tableau qu'il juge inutiles : « Que nous importe? Nous savons déjà, à ce moment-là, par une longue expé rience, par l'expérience des trois premiers ac tes qu'il ne se passera rien du tout, quelle que soit l'élection; que Carlos,qui ne cessede met tre à prix la tête de son ennemi, le bandit d'Aragon, ne le prend jamais quand il le tient;...