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Le Siècle, 27 juin 1881

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Le Siècle
27 juin 1881


Extrait du journal

Vous m'avez pris l'honneur, ce nom immaculé. Le droit aux yeux baissés,la paix dans la prière, Et la gaie innocence, et cette extase fière De pouvoir confronter, quel que soit le destin, Sa conscience avec l'étoile du matin ! Vous m'avez pris la joie et donné l'ironie. Duc, j'avais le sommeil, je vous dois l'insomnie. Mon père,ma mère ! Oh ! j'y songe avec remords. Et je sens la rougeur venir au front des morts, Vos bienfaits, vos bontés, princes, sont des sévices; Vos dons sont des souûets. Qu'est ce que j'ai? [Des vices... M'éveiller, m'en aller, sereine et reposée. L'âme dans la candeur, les pieds dans la rosée, J'avais cela ! J'avais la sainte pauvreté. Maintenant je vois croître autour de moi l'été, L'hiver, sans fin, sans cesse, un luxe énorme, [étrange, Fait de plaisir, de pourpre et d'orgueil, — et de [fange! Jen'ai plus rien, jerâle, et tout me manque enfin! Le mépris, c'est le froid ; l'estime, c'est la faim... Mais,direz-vous, avoir ce lourd fermier pour maître M'eût froissée, et j'aurais eu quelque amant? 0 [Peut-être. J'eusse pu rencontrer, oui, pourquoi le nier ? Quelquelâpre aventurier des bois, un braconnier. Que sais-je? un voleur! Oui, dans l'antre et dans [l'ortie, Un homme commençant, prince, une dynastie. Un bandit, le fusil à l'épaule, un rôdeur Demandant aux monts noirs, pleins d'ombre et [de grandeur, Auxbpis.oùle soleil dans l'or sanglant se couche, Une épouse, et j'aurais pris cette âme farouche. Et j'aurais laissé prendre à cette âme mon cœur! Il eût été mon chêne et j'eusse été sa fleur. Ët je vivrais ainsi, pauvre avec l'homme sombre, Habitant le hallier, la fuite, le décombre, Aussi hors de la loi que l'aigle et lé vautour, Nue, en haillons, sans gîte.;. — Eh bien ! j'au' [rais l'amour ! Et j'entendrais peut-être en cette vie amère Une petite voix qui me dirait : Ma mère ! Et mon voleur aurait de l'estime pour moi. il serait tendre et bon, n'étant pas encor roi. Èt nous serions tous deux, honnêtes l'un pour [l'autre. Tenez, duc, et voyez quelle soif est la nôtre ! Vous êtes princeet vieux, deux choses que je hais. Eh bien, pourtant, peut-être, hélas! nos vains i souhaits Gardent au fond de l'ombre une porte fermée, Je vous aurais aimé si vous m'aviez aimée ! Nous approchons, on le sent, d i dénoue ment ; le duc Gallus essaie en vain de pro tester. Que pourrait-il dire pour sa défense ? Mais.......

À propos

Fondé en 1836 par Armand Dutacq, Le Siécle bouleversa la presse française grâce à une stratégie éditoriale révolutionnaire pour l'époque. Comme La Presse de Girardin, fondée la même année, ce quotidien fixa son prix d'abonnement à 40 francs – c'est-à-dire la moitié de celui des autres journaux – et entrepris de compenser cette somme modique par d'autres revenus, tirés de la publicité. Traditionellement anticlérical, il deviendra l'organe de la gauche républicaine pendant une grande majorité de la Troisième République.

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