Extrait du journal

Les baigneurs de Châtelguyon ont prou. vé ces derniers jours une bien désagréable surprise. Venus sur l’ordonnance de leur horticole pour absorber de l'eau, ils avaient beau tourner le robinet dans tous les sens, tl n'en coulait pas une goutte. A la rigueur, ils auraient pu se passer de ce liquide à table et le remplacer par une eau minérale quelconque. Sur l’estomac, en effet, elles produisent toutes le même effet, activant la digestion des uns, retardant celle des autres. Mais il n’en est pas de même des ventres ; la constipation et le relâchement ne peuvent sc soigner par le même régime et le sexe faible, qui vient dans cette station thermale pour vider le trop plein de ses entrailles commençait à faire la moue. A ce propos, — je ne sais plus quel écrivain en a fait la remarque, — les listes des étrangers publiées par les feuilles des stations balnéaires sont éminemment suggestives. Il existe des localités où l’on soigne spécialement les maladies de la peau ; il est des gens à qui il n’est pas indifférent de savoir que Mme Hunetelle et Mlles Vasyvoir se trempent régulièrement dans la piscine, pour 'cause d’eczéma. Si la famille Y ne rate pas une saison à Aix ou à Dax, où l’on s'occupe d’asticoter les- rhumatismes sans les guérir, c’est qu’il n’est pas prudent de flirter avec l’héritière de la maison. Il en est de même de tous les Etablissements où l’on a des remèdes infaillibles contre, l’ulcère, les bronches et les poumons, la tuberculose, la deuxième ou troisième période de l’Avarie, les affections de la matrice et toutes les horreurs pouvant attaquer la charpente humaine, ses tripes, ses viscères et ses osselets. A Chàtel-Guyon on va, je crois, spécialement, pour ingurgiter de l’eau du clôt; que c’est pas vrai. On comprend le désarroi provoqué par la sécheresse parmi les jolies malades ne pouvant prendre leur lavement aux heures indiquées. Elles devaient en faire une... tète ! Fort heureusement la privation a été de courte durée ; l’administration, prévenue, a renouvelé le miracle de Moïse clans le désert, ordonnant aux sources du parc de reprendre leur débit : un coup de baguette magique et les tués ont pu fonctionner de nouveau et les canules heureuses de revoir les jolies bouches habituelles aux lèvres souriantes, se gondolent en gargouillant l’air connu : « Laisse-moi contempler ton visage, à la pâle clarté... »....