Extrait du journal

De lugubres sous de cloche tintent à nos oreilles : la grève des croque-morts se dresse comme un hideux fantôme et inspire une terreur, profonde de six pieds, aux gens menacés de la perte d'un membre de leur famille. Les chinois, en cas de mort, font glisser le macchatbc dans la cave. Là où nous entassons les barriques de vin, ils empilent leurs bières. En cas de changement de domicile on charge les cercueils sur la voiture de déménagement et fouette cocher ! Le cheval ne prend jamais le mors aux dents puisqu'il t'a dans le dos. Nous autres, par contre, nous ne pouvons nous passer d'un champ de navets quelconque pour enterres les nôtres. Le charnier de Montfaucon a été remplacé par des buttes fleuries ; celui des Innocents par une fontaine où les revendeuses des Halles ont longtemps lavé « la légume », Il existe bien, dans les sous-sols de la capitale, des catacombes où blanchissent, à côté des champignons de Paris, de ta aulx? de capucin et des endives, les crânes les tibias et les fémurs de plusieurs millions de nos ancêtres qui pensaient pouvoir y pourrir éternellement en toute tranquillité, mais le Métropolitain en a dérangé un grand nombre et les restants attrapent la danse de Saint-Guy au roulement des flambés cars électriques dont le ruban s’allonge indéfiniment. De sorte qu’en réalité, on n’est plus sûr de rien, pas même de roupiller en paix son éternel sommeil. Il est vrai que ce triste avenir n'est pas seulement à redouter pour les vulgaires petdzouillcs, mais aussi pour les grands hommes auxquels la patrie reconnaissante fait les honneurs du Panthéon. Les osselets de Charlemagne lui-même, ont été récomment dêsajustés dans sa tombe d'Aix-Iat^hapclle. Et ce n’était pas la première fois que les cendres du grand empereur, fondateur du lycée qui porte son nom, ont été la proie d'attouchements sacrilèges. Cela doit même commencer à pas mal l’agacer, car il était fort peu patient de sa nature....