Extrait du journal

ALCOOLISMEÉLECTORAL L'occasion fait le larron ; l’occasion fait aussi l'ivrogne. Elle ne manque pas, en ces temps de brigues électorales, la séduisante occasion ; plus d'un citoyen est l’objet des politesses des candi dats ; et si les membres des comités écoutaient les électeurs, certes plus d'un s’entendrait poser la question que faisait le don Annibal d’Emile Augier : Mais n’en avez-vous pas quelques-uns à qui boire ? Au train même dont va une campagne élec torale, il serait plus juste d’exiger d’un député de la capacité que des capacités. On était sévère en France, jadis, sur le cha pitre de l'alcoolisme; il était interdit aux gens de métier de fréquenter les cabarets « les jours ouvrables ». Il y eut des ordonnances très sévères à Orléans en 1560, à Moulins en lo6b, à Blois en 1579, « pour les maux et inconvénients notoires qui s’ensuivent de jour en jour, de ce que plusieurs bourgeois et autres gens mariez délaissent leurs femmes, enfans et famille ». Aussi fut-il strictement défendu « à tous, manans et habitans. bourgades ou villages, qui sont mariez et ont ménage, d’aller boire ou manger es tavernes et cabarets, et aux dicts taverniers ou cabaretiers de les y recevoir, à peine d’amende arbitraire pour la première fois, et de prison pour la deuxième ». Le cabaret est aujourd’hui le vrai siège des circonscriptions électorales, et le cabaretier est roi. C’est lui qui, plus que le député, est le grand maître du suffrage. Remarquez que si je faisais profession d’optimisme, je pourrais dire que le remède est à côté du mal, puisque les conseils municipaux, dans leur sage pré voyance... ou plutôt dans leur sage crainte du maître de leurs destinées, font établir dans les villes des bornes-fontaines, dans les campagnes...