Extrait du journal
L’ÉTAT-OENDARME Nous avons fait remarquer avanthier, en nous appuyant sur les chiffres des statistiques officielles, que l’impôt foncier était très inégalement réparti, et nous avons demandé que toutes les ter res fussent taxées proportionnellement au revenu qu’elles donnent aujourd'hui, et non plus proportionnellement au re venu qu’elles donnaient il y a cent ans. Il parait que l’opinion que nous avons exprimée n'est pas du goût de tout le monde, car nous venons de recevoir une lettre d’un cultivateur qui proteste avec vivacité contre les conclusions de notre article et qui demande que les choses restent en l’état et qu’on ne touche pas à l’impôt foncier. Pour prouver que nos idées ne sont pas justes et qu’une nouvelle répartition de l’impôt foncier, proportionnellement au revenu réel des divers propriétaires, serait une mesure fâcheuse et même immorale, il se cite lui-même comme exemple et se compare à un de ses voi sins. Voici la partie essentielle de la lettre de notre correspondant : Il y a une dizaine d’années, mon père m’a laissé une propriété où sc trouvaient pas mal de terrains à l’état sauvage; bruyères, broussailles, joncs, etc., pullu laient dans ces steppes. Jamais mon père n’avait consenti à y promener sa charrue, ne voulant pas, disait-il, y perdre son temps et son argent. Devenu maître, j’ai essayé de mettre ces terrains en rapport : j’ai vendu des rentes pour acheter des en grais, j’ai labouré, défriché, drainé, ense mencé pendant des années; j’ai usé mes forces et dépensé mon argent pour amélio rer ces terres ingrates. Le succès & enfin couronné mes efforts; je vais commencer à recueillir ce que*j’ai semé et à rentrer peu A peu dans mes avances. J’ai un voisin qui a opéré tout autre ment. Il avait les plus belles et les meil leures terres du pays; grâce à son incurie, elles sont devenues les plus mauvaises. Paresseux et ivrogne, il passe sa vie au cabaret, fait ses semis hors de saison, en un mot, il s’y prend si bien que ses récoltes font la risée du pays et que ses terres au trefois si plantureuses sont devenues de nulle valeur. Eh bien! si votre article de journal deve nait article de loi, si votre idéal se réali sait, on mo mettrait à. l’amende en sur taxant mes terres et on récompenserait mon voisin en détaxant les siennes. Cependant, avec des cultivateurs comme moi, la fortune publique est augmentée, avec des laboureurs comme lui elle est anéantie. Non, l’idée de votre article n’est pas juste. Etablir un impôt dans de pareilles conditions, ce serait glorifier la paresse et lui faire payer une prime par le travail; ce serait à décourager de bien faire. Le double exemple cité par notre cor respondant ne prouve rien. D’abord le cultivateur paresseux etabruti, qui passe son temps à courir les cabarets au lieu de faire fructifier son bien, est heu reusement une exception, et une très rare exception, en France. Sur cent cul tivateurs, propriétaires ou fermiers, il y en a quatre-vingt-dix-neuf qui travail lent dur et ferme, de manière à tirer de leur terre, avec les moyens d’action dont ils disposent, tout ce qu’elle peut don ner. Le paysan français est intéressé; il tient à gagner le plus d’argent possible; il n’a donc garde de mal labourer ou de faire ses semis hors saison; si fréquem ment il lui arrive de ne pas faire rendre aux terres qu’il cultive le maximum des produits qu’elles peuvent donner, ou d’employer dix journées de travail là où un cultivateur américain n’en emploie rait que cinq, il ne faut en accuser sa pa resse, mais le manque de capitaux, qui l’empêche d’acheter les engrais ou les machines perfectionnées qui sont néces saires pour faire de la culture intensive....
À propos
Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.
En savoir plus Données de classification - ferry
- waldeck-rousseau
- lespès
- courbet
- hérisson
- dauphin
- grévy
- wilson
- hugot
- peyron
- paris
- france
- londres
- lyon
- chine
- egypte
- angleterre
- tonkin
- amérique
- naples
- la république
- sénat
- parlement
- agence havas
- crédit agricole
- conseil du dé
- concours régional
- conseil de cabinet
- bolton