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Le Soleil, 12 janvier 1890

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Le Soleil
12 janvier 1890


Extrait du journal

PARIS, 11 JANVIER DISCOURS SUR LA MÉTHODE On disait volontiers de la dernière Chambre qu’elle était paresseuse ; on le dira sans doute de la nouvelle ; on le dit de toutes les Chambres, il y a un pré juge de paresse contre elles : mais nous ne faisons aucune difficulté de convenir que c’est un préjugé. Une Chambre peut ne pas travailler, parce qu elle a ou croit avoir intérêt à ne rien faire. Ainsi lorsqu’une Chambre est divisée, lorsqu'il est pénible et même dangereux pour elle d’étaler au grand jour ses divisions, lorsqu’on n’y peut aborder une question grave sans qu’à l’instant même sa majorité se coupe en deux et montre ainsi sa misère, il est évident qu’elle a quelque peine à se met tre à l’ouvrage. L’effort qu’elle ferait étant condamné d’avance à demeurer s té die, elle pense qu’il vaut mieux se croiser les bras, prendre des vacances, user le tapis et tuer le temps avec des broutilles, et il lui paraît encore moins fâcheux d’être accusée de paresse que de témérité ou d’impuissance. Quand on sent qu’on ne peut rien en treprendre sans tout casser, instinctive ment on s’abstient. C’est la théorie de Sancho : « Ne marchons pas, mon maître, de peur des entorses. » L’abstention, la paresse deviennent une politique. Mais si tous les membres d’une Cham bre ne sont pas des travailleurs, toutes les Chambres sont naturellement labo rieuses. Cela peut sembler paradoxal, mais cela est. Et on le comprend : sur près de six cents personnes dont se com pose une assemblée, il est bien impossi ble qu’il n’y en ait pas un certain nombre qui aient le goût du travail. Et celles-là suffisent à la tâche. L’élaboration des lois ne demande pas tant d’ouvriers. Que ceux qui s’y emploient soient actifs et capables, tout va bien ; les autres ne peuvent que les gêner. De même que, dans une armée, ce sont toujours les mêmes qui se font tuer, dans une Cham bre ce sont toujours les mêmes qui se tuent, c’est-à-dire qui donnent. Encore une fois, cette équipe d’élite suffit à tous les besoins, et au delà. En toute affaire, le coup de collier revient de droit à quel ques-uns. Cependant il est certain que les Cham bres ne font pas beaucoup de besogne. Pourquoi? Parce que, indépendamment de leurs tiraillements intérieurs et de leurs divisions politiques, la méthode leur manque. On l’a reconnu, on s’en est préoccupé, on s’en préoccupe encore tous les jours. Quelques réformateurs ont pensé qu’il fallait modifier le régle ment. Ils ont cru trouver le remède dans la création de grandes commissions, dont chacune aurait sa spécialité, et qui tireraient à elles tout ce qui s’y rappor terait ou paraîtrait s’y rapporter. L’idée, d’abord bien accueillie, a fini par déplaire, et elle succombera certai nement sous les oppositions qu’elle ren contre. Nous ne la croyons pas heureuse. On ne travaille bien qu’en petit comité. Les grandes commissions s’éternisent, Elles veulent faire grand, léguer au monde des monuments législatifs, dont elles ne construisent jamais qu’un étage, faute de temps. Qui trop embrasse, mal étreint. Il faudrait plutôt abréger certaines formalités, faciliter les rapports entre la Chambre et le Sénat; mais déjà on y a pourvu dans une certaine mesure. On a pris de sages précautions pour que le travail commencé, mais inachevé, ne périt pas complètement dans l’intervalle de deux législatures. L’urgence aussi est là pour simplifier et accélérer les choses quand il devient absolument nécessaire de se hâter. A notre avis, il faut laisser les com missions telles qu’elles sont. C’est là que se fait le vrai travail. Lorsqu’une loi a été bien préparée, et qu’elle ne se heurte pas, en séance, à une mauvaise volonté systématique, on la discute et on la vote très rapidement. Nous en citerions vingt...

À propos

Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.

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