Extrait du journal
peine quelconque, le bras ne serait pas si prompt. C'est ce que nous etbeaucoup de nos confrères nous ne nous lassons pas de dire et de répéter, avec cette triste et trop longue constatation que nous prêchons dans le désert. Le ministère public n’est pas très dur, dans ces sortes de circonstances, et la défense est si facile 1 C’est dans des cau ses de cette sorte qu’il est permis de faire vibrer, outre mesure, les cordes de la compassion. Fille abandonnée, fille mère I II en était ainsi de celle que vient d acquitter le jury des Alpes-Maritimes. Elle a même comparu à l’audience, avec son enfant qui ne pouvait se passer d’elle, et il est bien probable que le ta bleau n’a pas été sans quelque influence sur l’esprit des juges. Après tout, se sont-ils dit, voilà une femme qui vient de vitrioler un amant infidèle ; il n’y a pas de raison pour qu'elle recommence : donc, ouvrons-lui la porte, et qu'elle s’en aille ! Et elle est partie. Les raisons alléguées par elle, pour justifier son attentat, plu tôt pour l’expliquer, ne manquent pas de vraisemblance. L’individu qu’elle a vitriolé lui avait promis le mariage; du moins, c’est elle qui le dit. L’autre, qui ne vaut évidemment pas cher, s’en dé fend. Son cas n’est pas rare, en France ni ailleurs, hélas I Du reste, il n’y avait point à faire la preuve de la sincérité, ni de l’un, ni de l’autre. Difficile de recueil lir des témoins ayant entendu de telles confidences. Quant à savoir si l’enfant est du père vitriolé, c’est autre chose, ou plutôt ce serait autre chose, si la recher che de la paternité n’était pas interdite. Mais, grâce à la législation française, il n’y a pas moyen de se lancer sur ce ter rai 11-lâ. Ça ne serait pourtant pas bien difficile; et pour quelques inconvénients peut-être, et encore ! combien il serait aisé de ré gler la plupart de ces affaires, lorsque la preuve du fait n’est pas récusable. Voilà un individu qui, pendant un espace de temps reconnu, a vécu avec cette fille; le jour où un enfant vient au monde, bien avant même, le jour où il a des raisons pour croire qu’un enfant viendra au monde, il se dérobe, et tire-toi de là comme tu pourras ! Dans l’état actuel de la législation, et toutes les preuves étant accumulées, rien à faire ? La fille séduite peut tomber et croupir dans la misère ; l’autre continue de vivre tranquille, à l’abri de la loi, qui lui permet d'être im punément un malhonnête homme. La loi est la loi ; elle reste la loi jusqu'au jour où, scs inconvénients reconnus, on dai gnera discuter l’urgence d’une réforme. Est-ce que le fait étant parfaitement établi, sans qu’il soit possible d’al ler à l’encontre, il n’y aurait pas à poursuivre la réparation d’un dom mage incontestable ? C’est ainsi qu’on opère, en Angleterre, où une question de dommage devient tout de suite une question d’argent. Chez nous, rien! Le père s’en va, les mains dans ses poches, court ailleurs, et si assuré de sa sécurité, de par la loi, qu’il n’a peut-être pas le moindre remords. On 11’a généralement de remords que pour les mauvaises ac tions qui encourent un châtiment. De sorte qu’une pauvre fille, tantôt très naïve, le plus souvent trop confiante, se trouve, grâce au hasard, et du jour au lendemain, aux prises avec la misère. Alors, elle rêve à la vengeance ; et comme elle sait que sa vengeance, si atroce qu’elle soit, est forcément impunie, grâce aux jurys, elle n’hésite pas, achète du vitriol qui 11c lui coûte pas cher, chez un marchand qui 11c devrait pas lui en vendre, se met en embuscade et commet son attentat. En sera-elle plus heureuse? Rien ne le prouve ; et rien ne prouve non plus qu’elle ne recommencera pas, surtout quand la première affaire n’a réussi qu’à moitié. Toujours est-il que la clémence imperturbable des jurys, jointe à la faci lité de se procurer l’arme en question, propage cette vengeance au vitriol d’une...
À propos
Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.
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