Extrait du journal

félins extraordinaires, dont la vie a été associée à delle d’un grand homme, comme c’est le cas -Pour Démonette. On ne pourra jamais parler de l'auteur de la Vieille Maîtresse sans associer à son souvenir celui de cette chatte adorée qui est allée le rejoindre là-haut, dans ces., régions in connues où l’on rêve dans l’azur et à travers les étoiles, et toujours les étoiles. Il y a en effet deux grands mois que Démo nette a rendu le dernier soupir, sans que Paris s’en doutât. Comment une célébrité pareille a-t-elle pu disparaître sans qu’aucun journal en ait parlé, sans que le bruit de son décès ait circulé dans les cercles littéraires? Barbey d’Au revilly avait-il fait des recommandations à cet égard et avait-il voulu que sa chatte favorite mou rût ignorée ? Craignit-il pour cela les oraisons banales et fut-il jaloux du bien qu’on pouvait dire de cet être que lui seul caressait, qu’aucun autre ne pouvait comprendre et apprécier à sa valeur? On ne sait au juste. C’est le hasard qui m’a révélé l’événement, et encore n’ai-jo pu avoir beaucoup de détails. Démonette, quoique très âgée, avait con servé' toutes ses facultés ; c’était une de ses chattes-marquises qui rappelaient le temps des perruques poudrées et des paniers. On l’entou rait d’une réelle vénération, et tout fut mis en œuvre, non pour lui faire oublier son maître, mais pour atténuer son chagrin. Les images de Barbey d’Aurevilly avaient été multipliées au,tour d’elle, et de préférence elle s’endormait sur le bronze de celui qui l’avait tant aimée. On m’a conté, — est-ce vrai ? — qu’au milieu de tant de photographies, elle ne se trompait ja mais et reconnaissait parfaitement la sienne. Alors elle restait plusieurs heures immobile, les yeux fixés sur l’image, comme plongée dans une rêverie et dans des réflexions qu’il eût été bien intéressant de connaître, mais qu'il est facile de'deviner. Mais ce qu’il ne faut pas oublier de dire, c’est que la maternité fut la source la plus grande de ses consolations. Elle meurt en laissant plu sieurs rejetons qu’elle a élevés avec une tou chante sollicitude et qui ont hérité de toutes ses qualités. Il me semble que notre confrère qui ■est le grand organisateur de l’exposition pro chaine a là un bien beau numéro à inscrire sur son catalogue : les chats de Barbey d’Aurevilly. F....