Extrait du journal
Quoi que nous pensions du déplacement si extraordinaire des sympathies publiques, du bouleversement de la politique intérieure chez nos voisins, nous n’avons qu’à nous incliner de vant le fait accompli. Il révèle certainement une volonté robuste ; il concentre dans les mains d’un gouvernement qui a au moins six ans de durée incontestable devant lui une puissance incalculable; il prépare un redoublement d’action et la force expansive ne lui manquera pas dans un avenir prochain. Sur la pente où l’Angleterre s’est mise avec un entrain et une décision farouches, elle ren contrera des obstacles ; mais elle brisera ceux qui la gêneront au dedans. Au dehors, elle sera certainement moins sujette à la longanimité et à la pusillanimité que dans le passé; car ce n’est pas pour rien qu’elle s’est livrée au parti qui personnifie dans ses aspirations les plus vastes la cause impériale du Royaume-Uni, qu’elle l’a dopte pour guide en lui assurant, par la consti tution d’une majorité sans précédent, une li berté d'allure, une assiette incomparables. Depuis quelques années l’Angleterre, dont les ambitions débordantes sont un défi permanent pour quiconque a son rang dans le monde, en tend le garder et l'accroître, s’est sentie vague ment l’objet de remarques inquiétantes et de vœux menaçants. Elle ne se fait aucune illusion sur la place démesurée qu’elle occupe dans tous les continents et toutes les mers; mais elle est prolifique, terrible mangeuse et redoute surtout la fin du régime d’envahissement universel dont elle jouit, grâce à la division de l’Europe. Il .lui faut à tout prix des routes ouvertes, des marchés multipliés, d’innombrables débouchés, des centres nouveaux de colonisation et de for tune pour ses fils qui émigrent constamment de la ruche, puis viennent rapporter à la métro pole le produit de leurs insatiables conquêtes. C’est bien une aristocratie innombrable dont tout Anglais fait partie par droit de naissance, qui a pour principe et pour fin l’exploitation in définie de l’univers. Elle ne s’arrêtera pas d’clle-même, elle ne sc bornera point par humilité ou charité ; elle ne cédera jamais qu’à la loi du plus fort. C’est pourquoi, résolue à ne pas reculer, elle veut être forte. Déjà son plan de constructions navales, qui doit égaler dans quelques années sa flotte à toutes celles des Etats maritimes réunis, a pour but de protéger efficacement sa liberté de circu lation, sa mainmise sur l’Océan et les richesses qui y affluent de toutes les régions qu elle pos sède ou convoite. Elle brigue le monopole de l’or ; elle fabrique des vaisseaux et des canons pour qu’on ne le lui dispute pas ou pour se l'assurer de haute lutte. Elle aura à la fois des escadres pour la guerre régulière et des croiseurs rapides comme ce Tarible, lancé récemment sur les chantiers de la Clyde, long de 164 mètres, renfermant des machines de 25,000 chevaux et filant 22 nœuds à l’heure. Cette transformation qui absorbera des mil liards ne lui suffit pas; elle songe sérieusement à doubler le nombre et la mobilité de son ar mée de terre, pour avoir le moyen de lancer sur le continent des expéditions sérieuses, pour re commencer les exploits des Marlborougb et des Wellington. Tout cela se combine et se dispose sans au cune pensée de chevalerie ou de chimérique conquête; mais pour la sécurité et la puissance réellè, pour la richesse par la crainte. Les élections actuelles obéissent à la même préoccupation fixe, et les Anglais ne sont si enchantés de la démonstration des urnes que parce qu’ils y voient un heureux symptôme de santé nationale et d’expansion féconde. Vous ne pouvez traverser en ce moment 1 Angleterre sans éprouver la sensation intense d une vaste machinerie dont les rouages sont on parfait état, dont le fonctionnement gigantesque pré sage une ère de développement extraordinaire L’Angleterre tout entière est sous pression. Elle est satisfaite de se savoir prête. Elle ne s’est pas offert pour d’autres raisons un gouveinement homogène, énergique et durable. Ceci doit servir à cela. A nous de le voir nettement et de prendre nos mesures, de définir laligne dont nous ne nous écarterons plus. Sachons nous conduire virile ment d’après les circonstances et la connaissance exacte des hommes qui ont dès à présent et pour de longues années la responsabilité de la politique extérieure de l’empire anglais. M. Judet nous paraît apprécier très bien la situation, qu’il dépeint avec une si grande vigueur de style. Il est incon testable que nous assistons à un réveil de l’Angleterre et que l’opinion publique dans ce pays réclame une orientation nouvelle de la politique étrangère. Le Times déclare que le premier article du programme du ministère Salisbury sera le relèvement du prestige de l’Angle terre, et M. Chamberlain, ministre des colonies, n’a pas attendu la fin des élec tions pour déclarer, dans un discours prononcé à Selly Oak, que la politique de la petite Angleterre est condamnée par le pays et que le geuvernement devra prati quer celle de la plus grande Angleterre. « Nous ne sommes pas, a dit M. Cham...
À propos
Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.
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