Extrait du journal

Où la chose s’cst-elle passée ? Je n’en sais rien positivement. C’est peut-être en Angleterre,peutêtre aussi en Amérique; à coup sûr dans un endroit où la boxe est en grand honneur et pro voque des curiosités que l’on satisfait à prix d’or. Pour voir deux hommes s’entr’assommer, il y faut mettre plusieurs dollars.Généralement ces choscs-là ne provoquent point l’indignation. Chez les Anglo-Saxons, si quelqu’un s’avise, sur la voie publique, de frapper un chien qui passe ou de maltraiter un cheval, bientôt les agents interviennent, dressent des procès-verbaux, et les délinquants encourent l’amende, sinon quel que chose de plus sévère. On y est plein de ten dresse et de sensibilité pour les êtres vivants qui ne se tiennent pas sur deux pieds et n’ont point de langage. En avons nous entendu, des plaintes et des doléances, à propos des courses de taureaux i Etait-il possible de tolérer coutume aussi bar bare, à la lin du dix-neuvième siècle I C’était bon pour l’Espagne, qui s’en allait à pleines voiles dans la décadence. Mais en France, même dans te Midi, qui peut cependant s’offrir bien des fantaisies, elles n’ont pas passé toutes seules. Avec de la persévérance, cependant, elles sont entrées dans les habitudes, et si les autorités protestent, c’est pour la forme. Des taureaux exécutés, quelques chevauxétripés,des hommes, — mais plus rarement, — mis à mal, cela ne tire pas à conséquence, et la Société protectrice des animaux elle-même se voit réduite à l’im puissance, mais non sans combattre avec la plus grande énergie. 11 y a quelque temps, chez nous, la protesta tion fut si vive contre les combats de coqs, qu’il y fallut renoncer; je crois bien qu’en y mettant la même énergie, les courses de taureaux au raient eu le même sort. Mais, malgré cela, nous n’en sommes pas encore au goût des massacres d’hommes, et nous nous en tenons à la lutte académique à main plate,très goûtée, comme on sait, à la fête de Neuilly. Il n’en est pas de même de l’autre côté de la Manche et de l’autre côté de l’Atlantique, et les amis de la boxe peuvent s’y régaler encore, de temps en temps, d'un spectacle qui n'a pas son pareil comme répu gnante ignominie. C’est ainsi que deux boxeurs renommés, américains, je suppose, viennent de se mesurer dans des conditions horribles, sous les yeux de la police bienveillante et peut-être intéressée dans l'affaire. L’un s’appelle Fitzsimmons, l’autre Jeûnes, et, comme on dit, ils n'y sont point allés de main morte. Nez écrasé, bouche fendue, œil sorti de l'orbite, toute la lyre, quoil On s’en pâmait, parmi l'assistance. En fin de compte, à l'onzième reprise, disent les nouvelles, Fitzsimmons en voyé rouler sur l'arène et n’ayant pu se relever dans les dix secondes stipulées, Je fines, qui ne valait pas beaucoup mieux, était déclaré vain queur: llourrah l'or Je /frics ! II ne s’agit plus que de lui trouver un autre adversaire, en attendant toutefois qu’il soit remis en état, ce qui menace d'être long. Et voilà des plaisirs de gens dits civilisés I Tant pis pour les deux victimes ; elles savent ce qu'il doit leur advenir et n’ont peutêtre pas d'autres moyens de gagner leur vie I Mais les autres, ceux qui regardent et qui se pâment, après avoir sorti des dollars de leur poche pour avoir une lionne place et parier à leur aise, en faveur de Fitzsimmons ou de Jeffrics, dans quelle catégorie d’êtres humains, ou soi-disant tels, je le demande, classer des bipè des de cette sortc-là? Jean do .Nivelle...