Extrait du journal

hier à sa dernière demeure, était un des meilleurs coeurs d'artiste que l’on aura vus. On peut dire que jamais on ne fit appel en vain à son concours lorsqu'il s’agissait d’une œuvre de bienfaisance, d'une misère à secourir. Enfant du peuple qu’il était, il resta peuple jusqu'au dernier moment, et ce ténor qui gagna des sommes folles fut toujours insensible à ses succès de théâtre. Au contraire, il aimait bien procurer du plaisir à quelques amis, en se fai' sant entendre pour eux seuls. On sait que ce fut About qui le découvrit. D’une boutique de tonnelier, il entendit s’envo ler des notes délicieuses. Vite il s’avisa de con naître le possesseur de ce merveilleux gosier, et il se trouva en face d’un beau grand garçon, tout jeune, qui était comme le rossignol du quartier. Quand il chantait, tous les voisins se mettaient à la fenêtre. Ce fut donc dans les pa rages une désolation lorsque le ténor d’à côté entra au Conservatoire pour devenir l’un des plus remarquables chanteurs de son temps. Dès qu’il apparut, son succès fut assuré. En peu d’années il acquit la célébrité et la fortune. Ni l'une ni l’autre ne lui tournèrent la tête. Il ignora toute sa vie la vanité et sut rester simple et modeste, comme s’il avait acquis cette con viction qu'il ne devait rien à son art, à son tra vail, mais tout à cette voix d’un charme inüni par sa gaieté et dont la Providence l’avait doué. En un mot, il ne connut pas la pose,ce bon Sel lier. Avait-il de l’argent de reste, il en faisait part aux siens et ne modifiait guère son genre de vie, restant fidèle à son petit appartement de la rue de la Paix, à scs habitudes. Quand il se rencontrait avec des amis ou quand on l’invi tait à dîner, il ne parlait jamais de ses succès, et il était bien plus heureux qu’on le compli mentât sur son habileté à bien déboucher une bouteille que sur la beauté de sa voix. C'est que ce théâtre où il était au premier rang, cette voix admirable, au demeurant, causaient son supplice quotidien. Chanter comme l’oiseau sur la branche, c’était bien, amusant même,mais à l’Opéra il fallait répéter, chanter eu mesure, aller, venir, être amoureux ou roi 1 Que de souf frances 1 La crainte de manquer son entrée, la terreur de ne pas partir en mesure, il y avait là une série d’obsessions qui le martyrisaient et l'empêchaient de dormir. Il n'aimait pas qu’on lui parlât de son métier, du second au moins, car, sommelier, il le resta jusqu’à la dernière heure. Il y a six ou sept ans, il eut un moment de découragement, quand on ne renouvela pas son engagement à l’Opéra; il voulait revenir à ses premières occupations. Mais, comme il n'avait que des amis au théâtre, qu’après tout il s’était fait à cette existence nouvelle et qu’il espérait toujours revenir à l’Académie nationale de mu sique, cela lui fit prendre patience. Pour amuser son attente, il chantait pour les pauvres dans tous les concerts de charité, ne se souciant jamais du cachet. Que de douleurs ont été consolées grâce à son concours généreux! Les malheureux ont fait là une grande perte, et je connais plus d’une association de bienfaisance qui a dû apprendre la mort de Sellier avec dou leur. — F. Dépêches Télégraphiques ENVOI DE TROUPES ANGLAISES AU CAP Londres, 28 juin. La 8e compagnie du génie, spécialement affectée au service des voies ferrées, a reçu l’ordre de partir pour le Cap. Le vapeur qui la conduira prendra de grandes quantités de matériel de chemin de fer. (Havas.) LES INCIDENTS A LA CHAMBRE BELGE Bruxelles, 28 juin. Le début de la séance de la Chambre a été...