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Le Soleil, 29 avril 1914

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Le Soleil
29 avril 1914


Extrait du journal

Il y a quelques semaines, sous ce litre : « Los sautercfles budgétivores », nous nous élevions contre l’accroisse ment ininterrompu des fonctionnaires et, les prétentions de plus en plus inad missibles qu’ils formulent. Il n’est pas possible, disions-nous, que cet. état de choses se prolonge, sans quoi la moitié de la France sera obligée de se mettre sur la paille, pour entretenir une armée de salariés qui, à l’heure actuelle, at teint le chiffre imposant de 1.070.092 agents émargeant au budget de l'Etat, des départements et. des communes et ayant droit à une pension de retraite. Ces observations étaient d’autant plus opportunes qu’elles venaient au lende main d’énergiques ultimatums adressés par certains employés aux membres de la Chambre, à l’effet d’obtenir de celleci des relèvements notables de traite ments, c’est-à-dire de nouvelles charges pour le contribuable déjà si exploité et pressuré, et que renouvelaient tout ré cemment les postiers au manège SaintPaul. Un de nos abonnés nous envoie, à ce propos, quelques réflexions auxquelles Il nous demande de faire accueil, sinon écho. Nous déférons d’autant plus vokmtiers à son désir que notre corres pondant est fonctionnaire, que la criti que légère faite par lui de notre thèse, au fond la corrobore, et que notre im partialité coutumière nous fait un de voir de lui accorder une entière liberté de parole. Il est rncon testable, nous dit-il, que la République, régime d’élection, devait fatalement être amenée à multiplier le nombre de ses fonctionnaires, en vue de s’en faire autant d’appuis. Il y a donc là une dépense intolérable, dont les contribuables ont parfaitement le droit de se plaindre. Quant aux anciens fonctionnaires — notre correspondant entend par là le noyau de ceux dont tout gouvernement a la charge, parce qu'ils sont absolument nécessaires au service de l’Etat ou des particuliers — leurs revendications sont parfaitement justifiées. Sans doute, la « vie chère » Test pour tout le monde, contribuables comme fonctionnaires. Et ces derniers pourraient prendre comme tout, le mon de leur part de cette charge générale. Mais la question n’est point là. Il s’agit d’examiner si les fonctionnaires touchent, et même touchaient, avant la « vie chère » des appointements en rap port avec le travail qu’ils fournissent, les charges inhérentes à leurs fonctions, les dépenses qu’ils ont à faire, pour parvenir à l’obtention de leur premier poste. Or — il y a des exceptions, c’est en tendu, et elles visent généralement les fonctionnaires dont les capacités sont précisément moindres : tels les percep teurs, nommés par la politique, le plus souvent, et avec un bagage technique des plus minces ; — or, dis-je, il est in contestable que pour le plus grand nombre, officiers, magistrats, fonction naires de qui l’on exige force diplômes, acquis à la suite de longues années d’études et après des dépenses énor mes, les traitements ne permettent pas à ces représentants de l’autorité de vi vre en famille et d’élever même un seul enfant, à la façon du moins dont ils ont été élevés eux-mêmes, sauf s’ils ont une fortune personnelle ou si la femme qu’ils ont épousée apporte au ménage une rente annuelle égale au montant du traitement du mari. Et notre correspondant d’invoquer son propre exemple : bachelier ès lettres, bachelier ès sciences,’ licencié en droit, je suis, dit-il, fonctionnaire des finan ces. A cinquante ans, mon traitement est de 5.000 francs, soit net, déduit B 0/0 pour la retraite, 4.750 francs. Si ma femme était sans fortune, comment voulez-vous que j’élève mes deux en fants à Paris et que je tienne mon rang, si modeste soit-il, avec pareille somme ? Eh bien 1 là encore, la crise est 'de nature républicaine : autrefois, en effet, les fonctions de l’Etat et de l’armée étaient pour ainsi dire réservées à la bourgeoisie aisée. On se contentait d’un faible traitement, parce que le mariage permettait de faire l’appoint, nécessaire à l’éducation des enfants et à la gestion convenable du ménage. Le développement à outrance de l’ins truction a encombré ces postes de jeu nes gens sans fortune qui ont délaissé le champ ou l’atelier paternels ; la dé mocratie ne connaissant pas de « clas ses », lesdits postes sont à tout le mon de. Mais nos nouveaux camarades, sans fortune personnelle, ni par eux-mêmes ni par leurs femmes et dont les parents 6e sont saignés aux quatre membres pour leur faire obtenir les diplômes nécessaires, oeux-là, dis-je, ne sont-ils pas fondés à crier que la vie n’est plus possible pour eux ? Vous voulez rester sourds à leurs plaintes ? Soit ! Le recrutement tarira,...

À propos

Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.

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