Extrait du journal

déchaîner une guerre terrible, un antagonisme permanent plus funeste encore. Ils n’ont pas à eux seuls fait cette nécessité. Du moment que le noble idéal de l’unité allemande se réalisait sous les auspices de la Prusse par la force, du moment qu’il s’agissait d’enserrer dans la cui rasse étroite et dure d’un empire militaire les chastes formes de la Brunehilde germanique, de la vierge rêveuse :que les poètes, les philo sophes et les savants avaient conçue et adorée, de ce moment il était écrit que ce qui aurait pu et dû être l’avènement pacifique et radieux d’une nationalité nouvelle, l’apparition d’un as tre nouveau au firmament de la civilisation, serait une occasion de. blasphème, de colère et de haine entre les hommes et les peuples. Là est le crime irrémissible de ceux qui ont faussé l’histoire et j^té dans une opposition pour laquelle elles ne sont pas faites les deux nations du continent qui étaient destinées à se com prendre, à se compléter et à coopérer au pro grès de l’humanité. On comprend certes que les Allemands, enivrés de la transformation sou daine qui les a portés au pinacle de l’Eu rope et qui a donné l’hégémonie à un peu ple longtemps divisé, affaibli, maltraité et méconnu, ravis de la réalisation même par tielle de leur idéal qu’accomplit par le fer et le feu le plus grand réaliste du siècle, aient fait au prince Bismarck une sorte d’apothéose et aient oublié le prix qu’il a fait payer à eux et au monde pour la constitution de l’unité allemande. C’est leur affaire de juger sil n’aurait pas ga gné à attendre, à user d’autres moyens, à ne pas renier leur passé, à ne pas répudier mœurs, traditions, principes, à ne pas incliner devant le moloch du militarisme prussien l’Allemagne idéaliste et libérale de jadis, à préférer une grande Allemagne, une moralement comme po litiquement, à une grande Prusse. Pour nous, c’est notre droit de regretter que, par la faute de tous, les choses aient pris ce tour, que le génie de Bismarck ait lancé les des tins du monde dans cette voie et que l’une des plus grandes choses de ce siècle repose en ap parence sur l’inimitié de deux races également nécessaires au genre humain. 1866 avait en ; germe 1870 dans son sein. 1871 a eu en germe tous les malentendus, toutes les discordes, tous les conflits de ce dernier quart de siècle. Voilà ce qui nous empêche de célébrer sans réserve ce premier triomphe du grand homme d’Etat, Nous verrons se dérouler logiquement les conséquences de ces prémisses. Nous verrons la guerre avec la France résulter fatalement de la guerre avec l’Autriche. Nous verrons l’em pire allemand poussé par la main puissante qui l’avait créé dans les voies de la grandeur maté rielle, de la force, du mépris du droit et de la liberté. Nous verrons enfin naître, grandir, s’ap procher la Némésis qui suit toujours les fautes de cet ordre, qui a frappé dans sa fortune celui dont on croyait le pouvoir à l’abri des caprices de la faveur et qui menace jusqu’à l’œuvre qu’il avait pensé élever pour l’éternité. Grande et précieuse leçon à recueillir dans une société et dans un temps où les triomphes de la force sem blent séduire tant d’imaginations I...