Extrait du journal

Peut-être ne lui importait-il pas davantage que | l’on fût ou non anarchiste. Ce qu’il y a de sûr, •! c’est que le numéro du Temps du 8 janvier 1894 (daté du 9) contient, en dernière heure, la dépêche suivante : . ... Beauvais, 8 janvier, 1 heure. Sur’jnandat d’un juge d’instruction du parquet de la Seine, le parquet de Beauvais a procédé, hier, ,à l’ar restation d’un sieur Leleu, secrétaire de l’orphelinat Prévost, à Cempuis. Çet individu est inculpé d’affiliation à une association de malfaiteurs. L’orphelinat Prévost est un établissement qui dépend du département de la Seine. On y recueille des orphe lins venant de ce département, qu’on y élève pour la plupart jusqu’à l’âge de seize ans. Déjà, le 2 janvier, Une perquisition avait été effec tuée par le parquet de Beauvais au domicile de Leleu, à l’orphelinat. Il paraît qu’on a trouvé un certain nombre de bro chures anarchistes de toute espèce et des lettres qui établiraient que Leleu serait .en • relation avec un certain nombre d’anarchistes des départements et de l’étranger. Leleu n’était à l’orphelinat que depuis quelques mois. Il venait d'Arràs, où il aurait joué un .certain rôle comme chef d’un groupe anarchiste de cette ré gion. Il est donc difficile de soutenir soit que l’at tention des pouvoirs publics n’ait pas été atti rée à plusieurs reprises sur Cempuis, soit qu’elle y ait été exclusivement attire par la polémique des journaux réactionnaires ou religieux. Si, dès janvier dernier, Cempuis donnait asile à un anarchiste militant, comment l’idée d’opérer un rapprochement entre ce fait et la nature de l’en seignement qui y était donné ne s’est-elle pas présentée à l’esprit de l’administration? Si l’en quête faite ces jours derniers a révélé — c’est la formule même que contient le compte rendu du conseil des ministres d’hier — « au point de vue de la surveillance de l’administration intérieure, de la direction morale de l’enseignement, du recrutement du personnel et des doctrines inter nationalistes, des faits d’une gravité telle que le maintien du directeur actuel à sa placé n’était pas possible, » comment se fait-il que la précé dente enquête, celle qui a eu lieu, croyons-nous, l’année dernière, n’ait pas révélé ces faits, et que la lecture des rapports rédigés après cette en quête ait été pour M. Robin, comme la Petite République le lui fait dire dans le plaidoyer pro domo qu’il y a inséré, « l’une de ses plus belles récompenses »? Il y a là une série de points d’interrogation qui ne concernent plus simplement la direction de Cempuis et qui ne tomberont que le jour où le gouvernement aura mené avec décision, avec célérité l’enquête supplémentaire promise hier. En attendant, il ne serait pas mauvais que la publication, au moins partielle, des rapports sur lesquels a été décidée la révocation du direc teur, vînt préciser la nature et la portée des faits constatés, et, en justifiant la mesure prise, apporter les étrennes du châtiment à tous ceux auxquels la direction de Cempuis doit la longue impunité dont elle a joui, dont elle jouirait en core, sans cette presse réputée si malfaisante. Il est probable que les intéressés lui feront une réputation pire encore, après cette affaire; mais le public est là, qui lui rendra justice et lui saura gré de ce qu’elle a fait....