Extrait du journal
Voilà M. de Vogüé redevenu, comme au temps de sa première jeunesse, un explorateur, et aussi un peintre, le peintre des choses vues en courant le monde, des spectacles contemplés. Cette fois, ce n’est ni la steppe russe, ni le ciel d’Orient qui a séduit la fantaisie de l’artiste et son talent : c’est un grand bâtiment, situé à Paris même, sur le quai d’Orsay, l’ancien hôtel de Françoise de Bourbon, Aile de Louis XIV et de Mlle de la Vallière : vous avez nommé la Chambre des députés. M. de Vogüé vient d’y vivre une année, et il nous fait part de ses im pressions. Supposez le registre qui existe dans tous les hôtels pour recevoir les observations des voyageurs, et supposez aussi un voyageur qui ait pris le temps et la peine d’y consigner son jugement sur la tenue de la maison, la so ciété qu’on y rencontre, l’existence qu’on y mène. Supposez enfin que ce voyageur est un écrivain, et vous avez l’article que la Revue des Deux Mondes publie aujourd’hui. Pourquoi ne pas le marquer tout de suite ? En dépit de ce dicton commun, qu’il y a beau coup à découvrir dans les choses qui nous en tourent et au milieu desquelles s’écoule notre vie quotidienne, tout n’est pas neuf, ni saisis sant dans le récit de M. de Vogüé. Il décrit la salle dès séances, les couloirs, le salon des Conférences, le salon de la Paix, sans qu’il y ait lieu de relever dans ces descriptions aucun trait assez fortement buriné pour donner l’impression du définitif. En fait d’im pression on a surtout celle du déjà vu. Or, comme l’écrivain a fait ses preuves, il faut bien croire qu’un autre n’aurait pas réussi davantage à nous surprendre et qu’en dépit du dicton cité tout à l’heure la meilleure manière d’intéresser par un récit de voyage, c’est encore d’aller chercher un peu loin de l’imprévu et de l’inédit. A noter, cependant, cette remarque sur la salle des séances : elle n’a pas de fenêtres !... Mais on devine trop aisément le parti que M. de Vogüé tire de l’absence de communication avec le dehors, avec l’air libre. Il y a là un couplet assez joliment tourné, quoique d’un art trop fa cile et en quelque sorte subalterne. Passons donc l’éponge sur Je pittoresque. Aussi bien, ce que nous cherchons au Palais-Bourbon, ce que M. de Vogüé lui-même y a cherché, ce ne sont ni des moellons ni des tentures : ce sont des hommes. Les hommes lui ont paru être autres dans la salle des séances, autres dans les couloirs. Iciencore, l’observation n’est pas très neuve. Les profanes eux-mêmes sentent d’instinct qu’un dé puté, même socialiste ne peut pas être toute la journée ce qu’il est dans la salle des séances, surtout lorsqu’au lieu de dormir ou de faire sa correspondance il intervient dans la discussion à coups d’invectives, de vociférations, en s’agi tant, en trépignant, en hurlant. Il y a là une at titude qui suppose la détente consécutive, et on est tout prêt à croire M. de Vogüé affirmant que ces mêmes hommes, dans le particulier, ont parfois d’autres façons de sentir et même de s’exprimer que celles dont ils se font, durant les séances, une obligation de métier. M. de Vo güé insiste beaucoup sur la comparaison du Palais-Bourbon avec un théâtre : la salle des séances, c’est là scène ; les couloirs, ce sont les coulisses. On y revient au naturel et à la nature après avoir sacrifié à la convention. M. de Vogüé raconte, à ce propos, la surprise qu’il éprouva quand, l’affaire de son élection une fois réglée, il trouva de la bonne humeur et de la courtoisie chez un certain nombre de col lègues qu’il avait, auparavant, tout lieu de croire animés contre lui des sentiments les plus im placables. Son émotion de la première heure lui parut alors, dit-il assez joliment, aussi ridicule que le serait celle du traître, dans un drame de M. d’Ennery, si une fois sorti de scène, il sup posait que les camarades qui viennent de l’objurguer et de le vitupérer éprouvent réellement a son égard les sentiments que leur rôle les oblige à exprimer. La découverte la plus frappante que notre voyageur ait faite est bien celle de la « valeur » du Parlement, pris dans sa collectivité. Oui, M. de Vogüé, en bon collègue, j’allais dire en bon...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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