Extrait du journal
UN PEU PLUS DE LUMIERE Si l’on relit la déclaration ministérielle affichée aujourd’hui dans toute la France, on constatera une fois de plus que ce n’est pas le programme radical qui s’y trouve exposé et proposé. Des articles de ce programme, les uns ont été passés sous silence, d’autres ont été remplacés par des articles empruntés au programme du parti progressiste. La volte-face des chefs du radicalisme entrés dans le ministère a été com plète. Pour l’excuser et l’expliquer, ils ont dit que ce programme assez nouveau dans leur bouche est une œuvre de conciliation, qu’ils l’ont ainsi rédigé pour gouverner avec tous les répu blicains de gouvernement et pacifier delà sorte une situation qui, sans, cela, menaçait de deve nir critique pour l’avenir de la République ellemême. Cette explication, bien qu’elle s’accorde assez mal avec la façon exclusive dont a été fait le ministère de M. Brisson, peut, à la ri gueur, être acceptée, à une condition toutefois, c’est qu’elle soit sincère. Or, il faut bien voir, dans la circonstance, ce qu’implique ce mot de sincérité. Prenons, pour exemple, le projet de réforme fiscale que M. Brisson emprunte simplement à M. Paul Delombre et à ses amis. Dans la pensée de ces derniers, c’est un projet complet ayant son point de départ, sa méthode, ses règles et surtout son but bien déterminés. Il s’agit d’or ganiser ce que nous avons appelé le système français d’impôt sur le revenu en distinction et même en opposition avec tout système étranger, soit allemand, soit anglais, baptisé du même nom,—un système qui méritera cette épithètede « français » parce que dans sa réduction défini tive et son fonctionnement pratique, il sera non pas en contradiction, mais en harmonie avec les mœurs et les susceptibilités françaises en matière d’impôts.Ce n’est donc pas un commen cement de réformes fiscales qui ne servirait qu’à introduire l’impôt cher aux socialistes ; c’est une réforme fondamentale qui doit se suffire à ellemême pour se justifier et apporter le règlement définitif de cette question vague et menaçante jetée inconsidérément dans la polémique électo rale sous le nom d'impôt sur le revenu. Au fond elle implique un parti pris, un choix délibéré et réfléchi entre deux politiques financières; entre celle qui constitue un progrès sérieux et prati que vers plus d’équité et de justice, et celle qui ne serait que la porte ouverte et la pente aména gée aux aventurés menaçantes du socialisme. Le ministère Brisson l’entend-il ainsi ? Le pro gramme qu’il apporte ne comporte-t-il aucune arrière-pensée? Est-il bien, pour nous en tenir à ce seul point, la liquidation et le règlement loyal et définitif de cette question de l’impôt sur le revenu ? Est-ce, dans le sens précis et net Qu’a fixée la déclaration de jeudi dernier, que les ministres et les radicaux en général enten dront et emploieront désormais cette expression obscure et vague? Quand la réforme sera ac complie, cet impôt sur le revenu, l’aurons-nous enfin, et disparaîtra-t-il de la polémique entre républicains, ou bien, le paravent tombé, en verrons-nous surgir un autre qu’on nous pré sentera comme le seul bon, le seul vrai ? Les républicains progressistes ont, nous semble-t-il, le droit et le devoir d’obtenir une réponse à ces questions avant de s’engager dans une réforme que l’on retournerait contre eux comme vaine et insuffisante, dès qu’ils auraient réussi à la faire aboutir. Ils ont d’autant plus ce droit et ce devoir que les journaux radicaux ne se gênent guère pour dire de diverses manières que le ministère radi cal, tout en employant les formules politiques du parti progressiste, ou bien ne s’en sert qu’à titre d’expédient provisoire et d’argument d’oc casion pour se créer une majorité, ou bien met sous les mots tout autre chose que ce qu’ils pa raissent dire : « C’est, dit-on, une première ten tative d’impôt sur le revenu qu’il importe de faire de telle manière qu’elle n’éveille aucune inquiétude et ne soulève aucune résistance. Plus tard on y 'apportera les rectifications et les compléments nécessaires. Il s’agit d’ouvrir la tranchée, de l’ouvrir avec le concours des ad versaires de l’impôt sur le revenu, sauf à la di riger et à l’élargir ensuite comme on voudra et autant qu’il le faudra. » Le ministère radical, dans la journée de jeudi dernier, a vigoureusement et noblement pro testé contre l’accusation qu’on adressait à plu sieurs de ses membres d’avoir fait passer la question du programme après celle des porte feuilles. Cette protestation a de la valeur et mé rite d’être accueillie, si du moins le programme nouveau qu’ils ont affiché est vraiment devenu le leur, s’il n’est pas un rideau trompeur qui tombera dès qu’il ne sera plus utile, pour lais ser apparaître le programme ancien qui n’au rait été abandonné qu’en apparence. S’il en était ainsi, si les organes radicaux avaient raison, il faut avouer que les chefs du parti radical, mériteraient les jugements les plus sé vères portés sur leur tactique par ceux qui en ont été les victimes. Ce serait sur toute la ligne...
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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