Extrait du journal
tendant les cornemuses de sa montagne, le pré lude de la pastorale antique. — Il dort? demandai-je. De la tête, elle me fit signe que oui. Les sons continuaient, voilés par l’éloigne ment, doux comme dans un rêve, un peu grêles, soutenus, prolongés. Les voix claires des chalu meaux modulaient la mélodie naïve et inoublia ble sur l’accompagnement des cornemuses. — Va donc, toi aussi, à la neuvaine, lui dis-je. C’est moi qui resterai. Depuis quand s’est-il en dormi ? — Tout à l’heure. — Va, va donc à la neuvaine. Ses yeux brillèrent. — Je puis y aller? — Oui. C’est moi qui resterai. Je lui ouvris moi-même la porte, que je refer mai derrière elle ; je courus vers le berceau sur la pointe des pieds; je m’approchai pour mieux voir. L’innocent dormait dans ses langes, sur le dos, serrant les pouces dans ses petits poings fermés. A travers le tissu des paupières, l’iris de ses yeux gris était visible pour moi. Mais je ne sentis s’élever du fond de mon être aucun élan aveugle de haine ni de colère. Mon aversion contre lui fut moins impétueuse que par le passé. Je manquai de cette impulsion que j’avais senti plus d’une fois courir jusqu’à l’ex trémité de mes mains, prêtes à n’importe quelle violence criminelle. Je n’obéis qu’à l’impulsion d’une volonté froide et lucide, avec une parfaite conscience de mes actes. Je retournai vers la porte, je la rouvris, je m’assurai que le corridor était désert. Je courus à la fenêtre. Ma mémoire me rappela ce que j’a vais entendu dire à ma mère : j’eus l’esprit tra versé du soupçon que Jean de Scordio pourrait se trouver en bas, sur la pelouse. J’ouvris la fe nêtre avec des précautions infinies. Une colonne d’air glacé m’enveloppa. Je me penchai sur l’ap pui pour explorer. Je ne vis aucune forme sus pecte, je n’ëntendis que les ondulations musica les de la neuvaine. Je me retirai, je m’appro chai du berceau, je vainquis par un effort la violence de ma répugnance, je comprimai mon angoisse : je pris le bébé doucement, doucement, je le maintins loin démon cœur, qui battait trop fort, je le portai à la fenêtre, je l’exposai à l’air qui devait le faire mourir....
À propos
Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.
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