Extrait du journal

TROP DE FONCTIONNAIRES Le président du conseil a préparé un projet de loi qui crée au ministère de l’intérieur une direction du contrôle et de la comptabilité et qui réduit au contingent raisonnable le nombre des fonctionnaires. A peine entré à la plaee Beauvau, M. Cleme.nceau s’était occupé de cette quesiion du personnel. Il avait inspecté lui-m‘ême les différents services, avait visité les bureaux et contrôlé l’assiduité des employés. Il n’a pas tardé à se rendre compte du vice com mun à toutes nos administrations publiques, et il a vu que pour vaincre un mal trop ancien et trop invétéré, ce ne serait pas assez de la répri mande ou de la feuille de présence. Ces pallia tifs ne guérissaient rien. Il fallait des remèdes plus énergiques. C’est ce remède que M. Gie! menceau croit avoir trouvé par son projet. 11 veut ramener de 25 à 19 le nombre des chefs de bureau, de 33 à 26 celui des sous-cliefs, et de 118 à 73 le nombre des rédacteurs. Il se.propose de supprimer par voie d’extinction les employés auxiliaires; et en attendant, le personnel de l’administration centrale serait ramené de 299 à 251, comme on a vu. par les chiffres cités plus haut. Évidemment, ce n’est que 48 employés de moins; mais tout ne peut se faire en un jour. Et même pour tenir les promesses de son projet, M. Clemenceau rencontrera d’énormes difficultés. Il se heurte à toutes les habitudes familiales, politiques et sociales de la nation. Il faut qu’il réforme lés mœurs, non seulement les lois. Nous avons le goût, le respect, le fétichisme des fonctions publiques. Des jeunes gens, qui pourraient faire de leur intelligence un emploi plus utile à eux-mêmes et à leur pays, ne rêvent que d’une « place », d’où ils guetteront l’avance ment jusqu’à l’heure des ambitions passées et des illusions perdues gl’heure dite de la retraite. Ils savent qu’ils seront peu payés ; mais ils savent aussi que le prestige de leur titre les aidera dans quelque établissement fructueux. D'une part, le goût, des familles pour les fonctionnaires; d’autre part, notre conception particulière du mariage et l’usage de la dot : voilà ce qui favo rise le développement de la caste fonctionnaire et ce qui dissuade les jeunes gens de tout effort personnel. C’est le renoncement aux grandes choses et aux risques de la vie libre qui se trouve, selon ûios moeurs, taxé de prévoyance et qui est grassement récompensé. Comment après cela n’aurions-nous pas des quantités de fonctionnaires qui attendent le contrat avec une redingote et un morceau de pain? A ceci qui était déjà grave, la politique a surajouté. Tandis que la notion d’autorité s’af faiblissait, que les gouvernements avaient de plus en plus une vie précaire et marchandée, toute la politique a consisté dans un échange de services entre les ministres et les députés de, la majorité. Les ministres ont à vivre. Les dé...