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Le Temps, 5 juillet 1909

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Le Temps
5 juillet 1909


Extrait du journal

— Mon ami; retenu au chevet d’un parent malade, voua prie de l’excuser; je viens vous exprimer ses regrets. — Qui donc êtes-vous? — Je suis Tirard-Mollier. — L’orientaliste? J’ai lu vos livres... La peu clairvoyante Minna se laisse duper ; elle collectionne les gens célèbres ; elle est ravie d’en accrocher un nouveau dans sa galerie. Elle l’accable de questions : — Alors, vous vivez dans l’intimité de mon poète? — Nous ne nous quittons pas. — Il vous a parlé de moi... Il ne me cache rien. — Et probablement il vous a dit que je suis une personne excentrique, romanesque, un peu folle... A son tour, il tâche de confesser la jeune femme; il accomplit un double voyage de dé couverte en elle et en lui ; à mesure qu’elle lui dévoile ses sentiments, il prend conscience des siens propres. Minna ne le décourage pas, au contraire: elle a des phrases rassurantes pour l’orgueil d’un homme qui n’est encore qü’au seuil de la décrépitude physique : — L’âme ne vieillit pas; une âme lumineuse irradie de la beauté autour d’elle. On n’est pas plus engageante. Il insiste. — Et si le poète qui vous est cher vous était apparu, déchu, fatigué, à l’âge où l’on n’est pas tout à fait vieux, mais où l’on a cessé d’être jeune?... — J’eusse mis ma main dans la sienne, je lui aurais proposé d’unir nos destinées... Aussitôt elle ajoute : « Vous vivez près de lui. J’envie votre sollicitude paternelle. » Ce mot achève de lui dessiller les yeux. Il comprend • qu’elle le voit à travers le prisme de sa dévo tion littéraire, qu’elle le pare de séductions1 qu’il n’a plus ; il lui en coûte de détruire une il lusion dont, malgré tout, il bénéficie; il se tait, elle s’éloigne, il demeure seul, amer et meurtri. Ce sont des nuances délicates, modelées dans la demi-teinte d’un dialogue agréable et distingué. Une seconde solution était possible : Minna pouvait discerner le mensonge du poète, et sur le point de lui montrer qu’elle le perçait à jour, s’arrêter, elle aussi, anxieuse, et respectant ses scrupules, n’osant violenter un cœur qui se retirait, lui évitant par charité l’humiliation suprême, garder le silence, lui laisser la consolation de croire qu’il n’avait pas été deviné. Peut-être la scène, ainsi menée, eûtelle paru plus profonde et surtout plus vrai semblable. Mais ce n’est point mon affaire; je n’aurai pas l’impertinence de rebâtir une pièce que j’ai simplement la mission de juger. Telle que MM. de Nion et de Buy^ sieulx l’ont conçue, et malgré ses menus dé fauts, elle agréera au public mondain ; on la louera dans les châteaux ; elle servira d'exer...

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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